Voici les 10 roses que je vous offre pour une autre orientation.

1. Croire en l'homme, en la femme et en toutes leurs potentialités individuelles. "Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues." Voici l'essentiel du message du Code de déontologie des psychologues (édition février 2012). Il engage chacune et chacun d'entre nous, dès que nous entrons en orientation. Message humaniste, mieux, tout simplement humain.

2. Croire en l'homme, en la femme et en toutes leurs potentialités collectives. Peut-on imaginer une seule seconde qu'une autre orientation prendrait sens à exacerber les égoïsmes, les individualismes, le traitement au cas par cas de situations individuelles isolées ? Apprendre à se connaître, à se projeter, aurait-il quelque intérêt que ce soit si cette curiosité ontologique n'était pas intimement liée à celle d'apprendre l'autre, apprendre de l'autre ?

3. Refaire société. Face à l’accroissement des inégalités et à la mise en péril de notre société, face au délitement du lien social, au repli sur soi et à la profonde méfiance des citoyens à l’égard des institutions, comment peut-on (re)faire société ? Accroître la protection et l’autonomie de l’individu, faire de l’établissement scolaire et de l'entreprise un projet de création collectif, renforcer l’égalité des positions sociales, enrichir la vie démocratique quotidienne.

4. Mettre du tenir conseil dans le moteur de l'orientation ordinaire. La confusion entre "donner des conseils" et "tenir conseil" continue de sévir. Et pourtant, le sujet démocratique, le sujet post-moderne ne supportent pas qu'on leur impose leur chemin et souffrent d'un déficit récurrent d'instances souples où l'on tiendrait conseil avec eux. En avons-nous tiré toutes les conséquences dans la vie ordinaire des collèges, lycées et centres d'information et d'orientation ordinaires (CIO) ?

5. Laisser tomber la lancinante incantation à l'avenir et construire une véritable éducation au devenir. Il y a quelque chose de l'ordre de la pensée magique à considérer que l'on pourrait prévoir l'avenir alors que nombre de grandes espérances ont déçu et que l'essentiel n'est pas là. Comme l'avait exprimé Jean Drévillon en 1970 : "Qu'importent les raisons pour lesquelles je veux devenir avocat, médecin, professeur... J'attends de l'orientation de ma vie qu'elle soit une orientation d'espoir" (p. 15). Alexandre Lhotellier : "Je plaide pour une formation au devenir". Et Christian Heslon : "C’est moins à la prédictivité, sur laquelle s’est bâtie toute une époque du conseil en orientation, qu’à la disposition à devenir du fait même et grâce à l’incertitude des autorités et des transmissions, que doit sans doute s’attacher désormais le projet d’orientation".

6. Améliorer la valeur formatrice des dispositifs de découverte des métiers et formations. On se trompe d'objet de travail lorsque l'on continue de viser une pourtant illusoire adéquation mécanique entre une personne adolescente et un métier. On se trompe d'objet de travail quand on persévère dans l'erreur d'une recherche mono-causale d'ajustement entre une formation et un métier. Et pourtant, dès 1988, Lucie Tanguy nous avait alertés sur "l'introuvable relation formation-emploi", ce qui s'est largement appliqué depuis lors.

7. Le conseil de classe à revisiter. Pourquoi la routine bureaucratique s'est-elle emparée du conseil de classe ? Revisiter le conseil de classe est une nécessité dans une école démocratique. Acceptera-t-on longtemps encore que le conseil de classe puisse se dérouler sans la présence du principal intéressé, l'élève ? Il est urgent de faire du conseil de classe un espace-temps privilégié du tenir conseil.

8. De vrais CIO, enfin ! "Les lois de décentralisation des années 1983-1985 ont oublié les CIO" nous a dit à plusieurs reprises Antoine Prost. Si l'on a vraiment besoin de CIO forts, structurés, au coeur des parcours de formation et du conseil tout au long de la vie, à l'interface des collèges, lycées et du post-bac, alors il est grand temps de leur donner une identité morale et juridique qu'on leur aura toujours refusée. Il est aussi grand temps de les assurer de moyens décents pour fonctionner. Ils n'en seront que plus efficaces encore au service des missions qui leur sont allouées et qu'ils remplissent avec intelligence et dévouement depuis des décennies.

9. Plus et mieux de conseillers d'orientation-psychologues. Serait-ce bien sérieux de demander tant aux conseillers d'orientation-psychologues quand, depuis des années déjà, on ne recrute que tout juste 50 élèves conseillers par an alors qu'il en faudrait au moins 300 à 350 pour renouveler les départs ? Ne risque-t-on pas à ce rythme de déprofessionnaliser dangereusement la profession en faisant recours de manière outrancière à la précarisation de personnels contractuels ? En octobre 2011, le Sénat lui-même s'en était ému. Et si enfin on lançait un signal de confiance à cette profession valeureuse et indispensable qui, loin de démériter et pendant des décennies, a loyalement plié son activité aux priorités du système éducatif ?

10. Et choisir le poète, la créativité, la promesse du renouveau printanier...

À Cassandre

Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avoit desclose Sa robe de pourpre au Soleil, A point perdu ceste vesprée Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vostre pareil.

Las ! voyez comme en peu d'espace, Mignonne, elle a dessus la place Las ! las ses beautez laissé cheoir ! Ô vrayment marastre Nature, Puis qu'une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que vostre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez vostre jeunesse : Comme à ceste fleur la vieillesse Fera ternir vostre beauté....