C'est pourquoi il a paru essentiel d'en faire état, aussi fidèlement qu'il m'est possible, et en total respect de l'anonymat de rigueur. Que mes collègues soient vivement remerciés de leurs riches contributions, et de leur confiance en l'orientation !

Des IEN-IO à la recherche de sens et de cohérence

Quelle est la définition qui correspond le mieux à votre activité professionnelle aujourd'hui ?

Le point essentiel à retenir. La moitié des répondants a choisi cette définition : " L'IEN-IO exerce, de facto, dans les départements, le métier d'inspecteur adjoint chargé du second degré, puisque son rôle s'étend à la préparation de la carte des formations du second degré, à la gestion des moyens des EPLE, aux projets d'établissement, bref, à l'ensemble de la politique éducative du second degré".

Et ces commentaires assortis :

" La charge départementale occupe au moins 80% de son temps. Les missions académiques qui lui sont éventuellement dévolues n'occupent qu'une faible partie de son tempos, et n'engagent qu'une part limitée de responsabilité. La coordination académique de l'activité des IEN-IO est assurée par le CSAIO. L'IEN-IO exerce de facto, dans les départements, le métier d'inspecteur adjoint du second degré, puisque son rôle s'étend à la préparation de la carte des formations du second degré, à la gestion des moyens des EPLE, aux projets d'établissement, bref, à l'ensemble de la politique éducative du second degré". (Un IEN-IO, ancienneté 3 ans).

"C'est de cette définition que mon activité se rapproche le plus et tend à se rapprocher, avec quelques nuances (pour l'instant, pas de participation à la gestion des EPLE, aux projets d'établissement). Il me semble souhaitable d'aller vers une certaine harmonisation de l'activité des IEN-IO au niveau national, la très grande diversité de nos pratiques étant sans doute une richesse, mais aussi une faiblesse, et de réfléchir à l'opportunité d'une transformation du corps d'IEN-IO en corps d'IEN-administration et vie scolaire" (Un IEN-IO, ancienneté 3 ans).

"Les inspections académiques que j'ai eu à connaître appartenaient à des académies sans véritable politique d'information et d'orientation ou d'évaluation des établissements. Le conseiller technique dépend alors fortement de la personnalité, de l'ambition des DSDEN, et il se trouve, s'il veut intervenir dans le débat académique, à un point aveugle du système où il n'est qualifié en rien pour poser des questions de politique générale. La diversité des situations prouve une déshérence de nos missions, une fois assuré le fondamental (affectation, bilans, rapports cordiaux avec les CIO)" (Un IEN-IO, 7 ans d'ancienneté)

" Cette définition est, actuellement, la plus proche de mon activité réelle aujourd'hui. Mais elle a évolué, au fil de mes 17 années d'activité d'IIO (de 1987 à 1990) puis d'IEN-IO en fonction certes des académies et des politiques des recteurs (2), des CSAIO (7), des DSDEN (9), mais aussi en fonction des politiques ministérielles plus ou moins explicites en ce qui concerne l'orientation, ses acteurs et ses services, ou encore en fonction des attentes institutionnelles dans d'autres champs. La polycompétence et la relative "bonne composition" des IEN-IO nous amènent à accepter (jusqu'où ?) une telle variété de tâches… Deuxième remarque : Avant 1990, après 1990. Avant le décret de juillet 1990 (création des IEN-IO), l'IIO était plus centré sur ses missions spécifiques originelles qu'il ne l'est aujourd'hui. Et personne ne lui contestait sa compétence et son rôle en matière de pilotage, d'animation, d'évaluation et d'inspection (jusqu'en 1991, les IIO inspectent les conseillers d'orientation stagiaires à leur sortie de formation initiale ; le double changement de 1991 -statut de "conseiller d'orientation-psychologue", et sortie d'institut de formation en tant que titulaire- a, m'a-t-il semblé, contribué à détourner progressivement et durablement les IEN-IO de cette mission pourtant indispensable. En outre, depuis le nouveau statut d'inspecteur de 1990, on forme les inspecteurs sur la base d'une "culture d'entreprise commune" dans la perspective de carrières inspectorales ouvertes et non, comme auparavant, limitées le plus souvent à l'orientation". (Un IEN-IO, 17 ans d'ancienneté)

Pouvez-vous citer les productions écrites, autres que les circulaires, que vous avez réalisées depuis trois ans, individuellement ou en en collaboration, et que vous accepteriez de mettre à disposition des collègues ? Au besoin, les lister sur une feuille jointe. Inclure les publications en ligne. Objectif visé : mutualiser les pratiques et productions des IEN-IO.

La moitié environ des IEN-IO n'indique aucune autre production que les circulaires administratives de rigueur. La plupart des autres productions citées consiste en des analyses quantitatives, de type "tableau de bord" du département, des bassins, des établissements. Seulement deux collègues sur 20 répondants signalent des publications pédagogiques sur le thème de l'orientation. Seulement un collègue sur 20 cite une publication relative aux CIO.

La régionalisation des CIO et de leurs personnels vous paraît-elle…

La moitié des répondants privilégie deux réponses : ...Un risque de faire perdre à des fonctionnaires de l'Etat qualifiés la neutralité et l'indépendance d'esprit indispensables pour assurer un conseil et un accompagnement aux personnes, aux groupes, aux organisations, aux institutions. ...Une opportunité pour obtenir plus de moyens de fonctionnement.

Commentaires.

"C’est un sujet complexe et ma réflexion continue d’évoluer... Le risque de la décentralisation/régionalisation me semble plus être sur l’amenuisement du travail en orientation au sein du système éducatif. En effet les compétences des personnels peuvent s’exercer quel que soit leur statut de fonctionnaire (Etat ou territorial), le statut ne devrait pas nuire a priori à la qualité de leurs modes d’intervention (liée à leur formation, à leur éthique, à leur expérience, etc.) et leurs usagers ne pas nécessairement en souffrir (reste à maintenir une unité du corps…). Par contre, plus complexe est d’envisager l’intervention au sein des établissements scolaires de personnels qui n’auraient pas le même « patron » que les autres et qui ne seraient plus pilotés par recteur et IA-DSDEN (ce pourrait être un problème de management que le travail en orientation pourrait « décliner »). Par ailleurs, recteur et IA-DSDEN seraient privés d’un levier pour la mise en oeuvre de leurs politiques d’information et d’orientation en direction des publics scolarisés (ce qui renvoie à la mission que se donne l’Etat-éducation nationale en matière d’information et d’orientation, et au sens que l’on attribue à une telle mission)".

"L'éducation nationale a besoin de développer en son sein un corps de professionnels de l'écoute et du conseil (ce qui ne se résume pas à développer comme il siérait par ailleurs, chez tout professionnel de l'éducation, un sens minimal de l'écoute et de la disponibilité à autrui) qui soit aussi un corps interface entre le système éducatif et le système de l'emploi. Or, à ne pas développer les CIO depuis 20 ans, on a pu laisser croire soit que d'autres professionnels de l'EN pouvaient se charger de cette fonction (infirmiers, assistants sociaux, professeurs), soit que les outils modernes d'information suffisaient/suffiraient à répondre au besoin de conseil des adolescents et des jeunes adultes, soit que la question ne se posait pas/plus à l'EN (qui constitue pourtant, depuis les années 90, le mode de socialisation le plus fréquent des jeunes de 15 à 20 ans) mais à l'extérieur de celle-ci. Ainsi, pendant qu'on ne recrutait plus de COP, on doublait les effectifs de conseillers des Missions locales, PAIO, et des informateurs du réseau du CIDJ."

"Il est pour le moins surprenant qu'un corps d'inspecteurs chargés, par le pouvoir central d'animer, de contrôler et d'évaluer les services… d'orientation ait été à ce point frileux et quasi aphasique dans le débat du printemps 2003. Soit qu'il se soit abrité prudemment derrière les positions des syndicats représentatifs, soit qu'il ait attendu la fin de la tempête et campé sur des positions résolument opportunistes : rien ne dit en effet que nombre d'inspecteurs de l'orientation n'auraient pas vu avec quelque… ouverture la forme de décentralisation des CIO et des personnels qui fut proposée alors. Pour faire quel nouveau métier d'inspecteur ?"

"Une forme de régionalisation est pourtant souhaitable. Celle qui distinguerait le cas des personnels, restant fonctionnaires de l'Etat, et les services, rattachés aux régions sous un statut à inventer, mais avec une reconnaissance juridique, ce qui n'est pas le cas actuellement. Celle qui laisserait les conseillers membres à part entière des équipes éducatives et leur permettrait de l'être plus et mieux grâce à un nouveau développement de leur nombre (cf. le rapport Fauroux de 1996 qui préconisait le triplement des conseillers). Celle qui les rattacherait à des CIO -ou, pourquoi pas, des centres d'orientation et de conseil ?- ayant une personnalité juridique, morale et financière, un conseil d'administration. Celle qui rattacherait chaque CIO à un établissement public régional. Car la région est désormais, au même titre que l'académie, l'unité de sens et de cohérence de l'action des EPLE et des CIO."

Les collègues répondants semblent très partagés entre la chance et le risque, l'opportunité à saisir et le danger inhérent à un changement qui serait/eût été un vrai bouleversement institutionnel. Deux collègues seulement évoquent avec précision les conséquences susceptibles de sourdre d'une régionalisation des services et personnels d'orientation. Un seul collègue (rappelons-le, sur 20 répondants), évoque le quasi silence des IEN-IO au printemps 2003, ainsi que les conséquences qu'aurait eue la décentralisation annoncée le 28 février 2003 par le Premier Ministre sur le travail même des inspecteurs en orientation.

Quelle est la définition de votre activité professionnelle dont vous souhaiteriez vous rapprocher le plus demain ?

Deux réponses sont retenues par le 1/3 des répondants :

"L'activité de l'IEN-IO est placée sous la responsabilité directe du recteur, et décrite avec précision dans le programme de travail académique des corps d'inspection prévu dans le décret n°90-675 du 18-07-1990 (art.2, alinéa I). La spécialité de l'inspecteur chargé d'information et d'orientation, par nature transversale, peut le conduire à accepter des missions académiques dans d'autres domaines que l'orientation. Son champ d'intervention tend à l'apparenter à l'activité d'un inspecteur vie scolaire".

"L'IEN-IO exerce, de facto, dans les départements, le métier d'inspecteur adjoint chargé du second degré. Son rôle s'étend à la préparation de la carte des formations du second degré, à la gestion des moyens des EPLE, aux projets d'établissement, bref, à l'ensemble de la politique éducative du second degré".

Et ces commentaires.

"Le titre d’IEN information orientation est trop restrictif par rapport à ma fonction et mes activités de tous les jours. De plus, si régionalisation il y a, nous pourrons apparaître comme les premiers interlocuteurs des régions dans ce domaine. Notre fonction ne peut se limiter à cela si nous voulons pleinement jouer notre rôle dans un département"

"Si le transfert, même aménagé, se confirme, mise en place d’un co-pilotage fonctionnel du service entre l’Etat et les régions. Programme d‘actions et calendriers pourraient faire l’objet d’un accord et d’une décision négociée et partagée entre les deux acteurs locaux (analogie possible avec les négociations qui précèdent et accompagnent les programmes et calendriers d’implantation de collèges et lycées). Pronostic plus difficile sur la situation des personnels ; le précédent le plus récent est la décentralisation des personnels de l’équipement. Dans ce cas, des protocoles ou conventions organisent le co-pilotage de compétences désormais partagées : gestion des transports scolaires, instruction technique des dossiers collèges."

"Les positionner mieux, dans l’équipe du CSAIO, comme interlocuteurs des responsables régionaux de l’information, de l’orientation et de l’insertion, de la carte scolaire peut-être aussi, des milieux socio-économiques."

" La régionalisation concerne surtout les conseillers d’orientation-psychologues et les CSAIO, par définition, puisque l’IEN-IO est « départementalisé ». La régionalisation permettrait de clarifier le positionnement de l’IEN-IO vis-à-vis du CSAIO, en repositionnant nettement l’IEN-IO comme un inspecteur « vie scolaire » qui suit la dimension orientation au sein de l’EPLE. C’est l’EPLE qui est le lieu de l’orientation, et non pas le CIO."

S'il n'y avait qu'un seul mot pour caractériser la spécificité et l'utilité de l'IEN-IO au sein du système éducatif, quel serait-il ?

Voici les mots et expressions qui ont été formulés par les répondants (par ordre alphabétique) :

Agent de complexité, analyste de l'ensemble de l'appareil de formation, analyste du fonctionnement des établissements, analyste neutre du système éducatif, catalyseur critique, disponible, expert en analyses et mises en perspective, facilitateur de(s) parcours, généraliste du second degré, homme ou femme d'ouverture, indispensable, inspecteur adjoint pour le second degré, inspecteur administration et vie scolaire, marginal sécant, médiateur, médiateur impénitent, minoritaire actif, monsieur ou madame second degré et orientation dans un département, optimiste par pessimisme dépassé, polyvalent, responsable, spécialiste des parcours des élèves, spécialiste généraliste, spécialiste en orientation, technicien déconcentré et solitaire de l’affectation, transversal, etc.

Une profession récente en quête d'auteurs et de hauteur…

Porter le débat du printemps 2003 au cœur de l'inspection de l'orientation, c'était faire un triple pari. Celui que, derrière les attitudes précautionneuses et attentistes de nombre de collègues inspectrices et inspecteurs, il y avait du débat et des interrogations identitaires foncières, et non d'abord des replis corporatistes et des certitudes bétonnées. Celui qu'il suffirait d'un signe pour que les inspecteurs chargés d'information et d'orientation se mettent à exprimer leurs analyses, leurs préoccupations, leurs doutes, mais aussi leurs propositions et leurs espoirs. Celui que dans toute crise, il y a une sortie de crise, et qu'elle devait se préparer au paroxysme même de l'événement et en total respect des identités et des cheminements de chacun, que l'on fût conseiller d'orientation-psychologue, directeur de CIO, ou inspecteur chargé d'information et d'orientation.

Ce triple pari fut-il tenu ? Pour le premier d'entre eux, certes, ce mini-questionnaire ou mini-questionnement lui apporte une forme d'accréditation, mais somme toute limitée à 20 répondants. Idem pour le second pari. Mais, bien sûr, il est d'autres lieux plus légitimes que l'initiative individuelle d'un inspecteur pour porter le débat collectif et institutionnel et imaginer les évolutions d'un corps professionnel. Quant au troisième pari, l'avenir dira s'il a des chances d'être gagné. Nous espérons seulement qu'au milieu d'autres repères structurants, ce tout petit caillou blanc contribuera à baliser et à éclairer de sa flamme vacillante, au milieu d'autres repères structurants et signifiants, un parcours semé d'embûches.

C'était fin 2003.

Dix ans après, où en sommes-nous ?