Jusqu'au jour de son exécution, d'Estienne d'Orves appela ainsi dans les ténèbres ; après lui, d'autres prirent la relève et, quatre années plus tard dans le block 32 de Ravensbrück où je me trouvais, chaque soir ponctuellement nous répondions au même appel : vivra, vivra, vivra...

Il est temps, de Dunkerque à La Ciotat, de Chambéry à Brest, de crier dans la nuit : "L'orientation". De tous les collèges, de tous les lycées, de tous les CIO, on répondra : "vivra".

L'orientation vivra :

Car jamais le monde n'a été aussi indéterminé, imprévisible. Et, avec lui, les métiers et situations professionnelles et les contextes de leur mise en action.

Car face à ce monde incertain, l'individu doit tenter de comprendre ce qui arrive au monde qui vient, ce qui lui arrive dans ce monde et s'y adapter en permanence. A plusieurs, c'est plus facile qu'en solo.

Car jamais les parcours de scolarité initiale n'ont été aussi longs, cette durée même générant des moments-charnières, des "paliers d'orientation", des temps et moments d'interrogation, de remise en question, de bifurcation, de transition.

Car l'auto-information ne peut pas tout résoudre, de même que l'auto-médication ne peut tout. L'individu ne se sent-il jamais seul face à la Toile ?

Car les profs ne peuvent et ne pourront tout. Passeurs et accélérateurs de connaissances, de compétences et d'apprentissages culturels, oui. Educateurs, psy, travailleurs sociaux, non. Ils n'en ont ni la compétence, ni le temps ni la méthode ni la posture.

Car ''l'optimisation de la synergie des divers acteurs et services d'orientation" prévue dans la prochaine loi de régionalisation et présentée à cor et à cri par l'association des régions de France comme un remède-miracle pour l'emploi des jeunes ne pourra tout solutionner. On s'oriente d'abord à l'école quand 76% de la population est scolarisée à 18 ans, 63% à 19 ans, 52% à 20 ans. Et, progressivement ensuite, entre l'école et le monde du travail professionnel.

Car de même qu'une bonne baguette de pain est réalisée par un bon boulanger, que la connaissance des théorèmes de Thalès et de Pythagore nécessite un prof de math ou que couvrir un toit de tuiles ne s'improvise généralement pas, il faut et il faudra des professionnels de l'orientation, y compris au ministère de l'éducation nationale.

Alors, bien sûr, eux aussi devront s'adapter.

Ils y sont prêts, car ils n'ont jamais cessé de le faire.

Bientôt (enfin), on reconnaîtra qu'ils sont indispensables.

Et l'orientation... vivra !