Et ne parlons pas de l'étudiant ou de l'étudiante engagé.e, à plus de 25 ans, dans des études littéraires ou en sciences humaines et sociales, si largement dévalorisées en France... Surtout, ne pas "perdre une année" ! Perdre une année... Bigre... A l'opposé, les autres pays européens promeuvent, eux, pauses, années de césure, réorientations, voyages initiatiques et formateurs au long cours...

En France, royaume du juste-à-temps scolaire, pour se distinguer, on décide d'ailleurs, dans certains milieux (où les enseignants ne sont pas en reste), de commencer par faire prendre "une année d'avance" à ses ouailles dans les "petites" classes... Au cas où... C'est toujours ça de pris dans la lutte des places !

Le Monde campus cite Eléonore, étudiante de 26 ans en master 2 de littérature française à Paris-Sorbonne : « Quand j’ai repris mes études après une année de voyage à l’étranger, on ne savait même pas dans quelle catégorie me “ranger” ». Une absence de statut symptomatique du manque de reconnaissance du système universitaire français pour les parcours d’études non rectilignes. ''« Au Royaume-Uni, il n’y a pas vraiment de nom pour désigner ça.

La réorientation y apparaît comme une évidence : c’est le signe qu’on a trouvé sa voie, ou que l’on souhaite se diversifier », remarque Nicolas Charles, maître de conférences en sociologie à l’université de Bordeaux et spécialiste des systèmes universitaires en Europe. Si en France ces pratiques ont une appellation spécifique, cela signifie « qu’elles sortent de la norme ». En cause, une façon très différente de construire son parcours d’études, selon que l’on soit en France ou dans d’autres pays européens. « Au Royaume-Uni et en Suède, le jeune mène ses études comme il l’entend. Il peut prendre un an de pause après le bac, étudier deux ans, travailler une année puis reprendre la fac »,'' explique M. Charles.

En France, les études sont pensées pour s’effectuer à temps plein, et les combiner avec une activité rémunérée n’est pas chose aisée pour réussir ses examens. « A l’étranger, le statut d’étudiant salarié permet mieux d’associer études et travail. » Selon la Commission européenne, la France est le pays européen où l’âge médian des étudiants est le plus bas (20,6 ans, contre 23,4 ans en Allemagne et 25 ans en Finlande, selon des chiffres de 2012), et qui compte la plus forte part d’étudiants de 18 ans (40 %, contre 21 % au Royaume-Uni et 6,8 % en Allemagne, en 2015).

Toutefois, poursuit l'article, la réforme de l’enseignement supérieur en cours prévoit un meilleur accompagnement des élèves de terminale pour préparer leurs choix d’études, avec la nomination d’un second professeur principal, et l’instauration de deux semaines de l’orientation dans chaque lycée (NDLR : et en oubliant, au passage, le rôle irremplaçable en l'affaire des psychologues des CIO).

En revanche, en créant des « attendus », y compris à l’entrée des formations non sélectives de l’université, la loi Orientation et réussite des étudiants risque de décourager les étudiants qui s’inscrivaient dans un cursus par défaut, le temps de mûrir leur projet. Autre nouveauté de cette loi promulguée début mars : elle généralise, à compter de la rentrée 2018, la possibilité offerte aux étudiants de faire un semestre ou une année de césure. Et ce, dès après le bac, tout en gardant leur place dans le cursus demandé sur Parcoursup.■

Pour aller plus loin

Van de Velde A. (2015), Sociologie des âges de la vie, A. Colin

Interview d'Agnès Van de Velde (2017) dans le cadre des travaux du Conseil économique et social et environnemental (France) sur l'orientation des jeunes. Durée : 5'52"