Depuis le 16 août, plus de 2000 jeunes ont quitté la plateforme soit en tournant le dos à leur rêve d'études supérieures soit en allant dans le privé. Un nombre équivalent de jeunes (20% aussi) est toujours en attente sur la plateforme. Si on ne connait pas le résultat final de Parcoursup, on sait déjà que le gouvernement a réussi à réduire le taux d'entrée dans le supérieur. C'était peut-être le vrai objectif de Parcoursup...

Comment ne pas s'indigner devant le désarroi de si nombreux jeunes désorientés, sans boussole, sans affectation, à une semaine de la rentrée universitaire ? Et on leur souhaite bonne chance pour trouver un logement en quelques jours lorsque, peut-être, enfin, dans les tout derniers jours d'août (nous y sommes !), ils recevront un feu vert pour une formation quelque part loin de chez eux... On s'interroge sur la stratégie gouvernementale qui consiste à épuiser sa jeunesse en attentes et en promesses non tenues alors qu'elle devrait être protégée, valorisée, défendue...

A moins que la dite stratégie ne s'intéresse qu'aux premiers de cordée et non au vulgum pecus (car les premiers ont déjà reçu plusieurs propositions fermes d'affectation cette année et, surtout, ont eu le droit d'attendre qu'une place qu'ils estiment plus avantageuse se libère, obstruant ainsi le paysage de celles et ceux qui n'avaient rien, et n'ont toujours rien). Et, horresco referens, on s'étrangle devant le gain objectif que réaliseront, moyennant de très lourds frais de scolarité payés par des familles déjà sans le sou, les écoles privées hors contrat qui accueilleront, bras et portefeuille ouverts, les jeunes que l'Etat et le service public auront laissé tomber !

Et combien de jeunes désorientés, aigris, démunis, fâchés, révoltés se présenteront dès fin août-début septembre dans le service public d'orientation compétent, j'ai nommé le Centre d'information et d'orientation (que le gouvernement soumet au pain de plus en plus sec des fermetures incessantes) ? Parcoursup : machine à fabriquer des décrocheurs ? J'aimerais tant me tromper... Ma chère France, que fais-tu de ta jeunesse ?

Rappelons que, pour sortir du fiasco de Parcoursup pour un trop grand nombre de jeunes (les seconds, les troisièmes et les derniers de cordée, ceux qui font tenir la cordée), le think tank Terra nova, s'intéressant à Affelnet (système national d'affectation des élèves post-troisième et post-seconde), à Parcoursup et à l'affectation des enseignants de l'enseignement public, a publié, le 6 juin une étude intitulée Faut-il sauver les algorithmes d'affectation ?.

Pour Terra nova, les deux défauts principaux de Parcoursup résident dans sa lenteur (Pour mémoire, les candidats avaient jusqu'au 31 mars pour saisir leurs voeux, soit il y a cinq mois) et dans la mise en incertitude et en non-affectation de nombreux jeunes.

Afin d'y remédier, Terra nova prône trois directions : (1) accélérer le processus pour limiter le stress des étudiants et ainsi éviter les comportements stratégiques dans les reports de vœux des étudiants et dans les classements des formations ; (2) choisir un système de priorités et un système de report de vœux permettant, là encore, de limiter les comportements stratégiques ; (3) clarifier les objectifs politiques qui sous-tendent le système de priorités et la façon dont l’algorithme et le système de priorité sont susceptibles de remplir ces objectifs.

Enfin, pour le think tank, il est primordial que tout changement dans la procédure soit d’abord évalué sur la base de simulations en utilisant les données récoltées dès cette année (ce qui visiblement ne fut pas réalisé lors du passage disruptif du système Admission post-bac à Parcoursup en 2017-2018).

Pour aller plus loin

Garance A, étudiante en réorientation, source : Libération, 20 mai 2018

Van Zanten A., De la fabrique de l'orientation au marché de l'éducation, source : Le Café pédagogique, 15 juin 2018

Duru-Bellat M., Parcoursup, cruelle méritocratie, source : Alternatives économiques, 27 juin 2018

Desclaux B., Précipitation, hasard, surcharge et pari, 20 novembre 2017

Interview de Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, L'invité.e de 8h20, France inter, 22 août 2018