Au milieu des bois, à quelques centaines de mètres du château de Monsieur le Marquis (Fernand Gravey), notable local, la maison isolée des Picard, la maison des bois, celle d’un débonnaire garde-chasse, Albert (superbe Pierre Doris), de son épouse, la douce Jeanne (Jacqueline Dufranne, Maman Jeanne) et de leurs deux enfants Marcel et Marguerite.

Au début de l'été 1917, Albert et Jeanne, à la vie rustique mais heureuse, accueillent trois beaux oiseaux du paradis (Maurice Ravel), trois garçons parisiens dont les pères sont partis au front, Bébert, Michel et Hervé. Contraintes de travailler en l'absence des hommes, les mères ont mis leur enfant à l'abri à la campagne dans une famille d'accueil. Lorsqu’ils ne sont pas sur les bancs de l’école (M. Testard, formidable instituteur joué par Maurice Pialat plus vrai que nature), les enfants jouent à la guerre, soignent les animaux de la basse-cour et se cachent dans la forêt.

Marcel, le fils d'Albert et de Jeanne, déclaré bon pour le service lors du conseil de révision, part à la guerre la fleur au fusil, mais il n'en reviendra pas vivant, ce qui causera un chagrin inconsolable à sa mère. Même à l'arrière, la guerre est omniprésente, et ce petit village écoule jusqu'à l'armistice, au fil des jours, ses joies, ses peines, ses drames, ses deuils. Chronique d'une vérité envoûtante, faite de touches successives où dominent une observation minutieuse et une tendresse infinie. Les gamins sont interprétés avec un grand naturel, une extrême authenticité ; la caméra sensible et douce de Maurice Pialat n'est jamais démonstrative ; le rythme est lent, on sait qu'on va devoir (en)durer ; mais on savait s'ennuyer sans s'ennuyer à l'époque...

Hymne vibrant à l’enfance, sur fond d’une guerre qui gronde dans le lointain. Une enfance enchantée certes, mais aussi une enfance désenchantée, car les enfants côtoient l'absence, l'abandon, la mort autant que la joie, la tendresse et l'amour. Géniaux moments d’improvisation entre les gamins. Force des rituels qui font société : cérémonies à l'église ou au monument aux morts, scènes de bistrot, scènes de classe, cour de récréation des filles, cour de récréation des garçons, repas en famille. Personnages vrais et bien campés : le maître d'école, le curé, le maire, le bistrotier un brin anar, le marquis, la mère nourricière, le papa de substitution, le bedeau, etc.

Un pays inconsolable de cette sale guerre qui devait être, avait-on espéré, la der-des-der, et dont Pialat montre qu'il reste traversé par de profondes inégalités sociales. Selon ses proches, Maurice Pialat évoquait La Maison des bois comme son meilleur souvenir de tournage, et même son meilleur film. On ne le contredira pas.