Maki, 18 ans, venait de s’inscrire aux Beaux-Arts de Tokyo quand le confinement est arrivé. Elle a passé des mois devant son ordinateur à suivre des cours en ligne. Aujourd’hui, son université n’a toujours pas repris les cours, au nom du principe de précaution, et, comme elle, de nombreux étudiants japonais risquent d’être pénalisés à terme dans leur cursus, explique la Nikkei Asian Review.

Ils sont de plus en plus nombreux à abandonner leurs études ou à rester cloîtrés chez eux, parfois sujets à la dépression. L’hebdomadaire installé à Tokyo cite une étude de l’Organisation internationale du travail publiée en mai qui met en garde contre “les effets du Covid-19 sur les jeunes du monde entier, particulièrement vulnérables parce qu’ils sont frappés par de multiples facteurs de stress, notamment l’interruption de leurs études et de leurs formations, le chômage, la baisse des revenus et les difficultés à trouver un emploi.”

D’après une enquête du ministère japonais de l’Éducation, 24 % des 1012 universités ayant répondu au questionnaire continuent de dispenser des cours à distance depuis le 1er juillet, ce qui signifie qu’environ 100 000 étudiants sont confrontés à des problèmes similaires à ceux de Maki. Nombre d’entre eux sont coincés dans une petite chambre, sans contacts humains, sans soutien ou réconfort disponibles. Comme la jeune femme, beaucoup d’entre eux n’ont même pas eu l’occasion de mettre les pieds sur le campus depuis la rentrée.

Pour les étudiants, la rentrée universitaire promet d’être particulièrement complexe cette année en matière de stages. Or ces derniers constituent une porte d'entrée obligatoire pour accéder au marché du travail. C'est ce que montre l'enquête qu'a réalisée le Wall Street Journal en Seine-Saint-Denis : par temps de crise, les contrats précaires, les CDD sont les premiers supprimés par les entreprises en difficulté. “Les jeunes des quartiers défavorisés, qui ont joué le jeu du confinement pour protéger les personnes vulnérables, avec les sacrifices que cela implique, refusent aujourd’hui la double peine”, analyse le quotidien américain.

Autre préoccupation : la santé mentale. En Inde, les jeunes se disent “émotionnellement vulnérables”, expliquait India Today début août dans un numéro consacré à la génération Covid. Les relations amoureuses deviennent “fragiles” et un jeune sur deux est “préoccupé par l’incertitude qui pèse sur son avenir”, affirmait le magazine. Idem au Canada, où près des trois quarts des 18-24 ans (interrogés par une société d’assurance) affirment que le Covid-19 a eu des effets négatifs sur leur santé mentale.

Dans une enquête auprès de pédopsychiatres et de psychologues, l’hebdomadaire Expresso dénonce, lui, une montée de l’anxiété chez les jeunes Portugais, pourtant pour le moment peu touchés par la pandémie. Et évoque un impact en matière de sociabilité. La multiplication des écrans modifie les liens sociaux. “Si l’utilisation des technologies a été un atout énorme”, elle pourrait augurer d’“un avenir aseptisé et ultravirtuel”, explique ainsi une chercheuse au journal. Les contacts physiques aident à l’expression des émotions. L’absence de contact pourrait dès lors nuire au développement des plus jeunes.

Quand ma vie pourra-t-elle commencer ? La question est bel et bien là. La solitude peut être écrasante, surtout pour ceux qui viennent de quitter leur ville natale, leur famille et leurs amis du lycée, souvent pour la première fois. Et la situation n’est pas meilleure pour les élèves plus avancés dans leurs études, qui ont moins de ressources financières, des choix universitaires limités en raison des restrictions de voyage et de sombres perspectives d’emploi à la fin de leurs études. De plus, si l'on veut éviter, comme le dit Roberto Saviano dans l'article sidérant qu'il a publié dans la Repubblica cité pages 16-19, que la Covid economy, aubaine pour les mafias présentes dans tous les pays, n'accroisse l'emprise mortifère des organisations criminelles proliférant notamment dans le secteur de la santé, de l'hôtellerie, de la restauration, des transports ou du logement, les États doivent investir beaucoup plus massivement pour soutenir les entreprises en faillite et pour défendre leurs jeunesses. Plutôt que de la stigmatiser sans cesse, il vaudrait mieux redonner des raisons d’espérer à cette génération.