Un ukase mini-stériel appuyé par des recteurs-aux-ordres-n'attendant-pas, j'ai donc, toutes affaires cessantes, organisé une première séance de formation avec les Pat patrouille et avec les Princesses des neiges de 4-6 ans. Les prénoms ont été anonymés par respect de la confidentialité des patrouilleurs et des membres de la confrérie des princesses couronnées.

Alors, les enfants, savez-vous ce que vous voulez faire plus tard, quand vous serez grande ou grand ?

Kévin, 4 ans : Comment qu'on est pompier-policier comme Marcus dans la Pat patrouille ?

Prodige, 5 ans 3 mois et 6 jours : Moi, je s'rai résident de la république ou rien

Marie-Aliénor, 3 ans et 1 jour : Chirurgienne comme papa, pianiste internationale comme maman et danseuse à l'Opéra de Paris comme ma tatie adorée

Alison, 6 ans et 2 jours : Aide-soignante, comme maman ; ou alors Elsa, ma princesse des neiges préférée, avec ses pouvoirs magiques

Jason, 3 ans et 6 mois : Champion du monde de France de foot, comme Kylian

Parfait, les enfants, vous avez bien travaillé. Il n'y a pas de sot métier et tout choix est respectable. Pour la prochaine séance de préparation à Parcoursup de la semaine prochaine, vous chercherez avec vos parents quelles sont les formations qui mènent au métier que vous avez choisi. C'est très important pour votre avenir.

Alison : C'est quoi un métier ?

Kévin : C'est quoi une formation ?

Jason : C'est quoi, un avenir ?

De deux choses l'une : soit la ministre a beaucoup d'humour, mais cela ne transparaît ni au visionnement ni au re-visionnement d'une interview donnée sur la très sérieuse LCP, soit elle croit à ses propos, ce qui en dit long à la fois sur sa méconnaissance du dossier orientation tout au long de la vie, sur le rôle de l'école des petits loupiots là-dedans, et aussi sur sa conception personnelle des parcours de formation et de métier.

Relire Bourdieu et Passeron (Les héritiers 1964, La reproduction 1970) : aux uns les assignations sociales, aux autres les projets de carrière dès la naissance. Le cursus honorum n'attend pas. La lutte des places est une lutte des classes : rapides vs lents, winners vs loosers, placés vs déplacés, influenceurs vs influencés.

Jusqu'à quel âge a-t-on le droit de rêver ? ●■

Trois-petits-lapins.jpg

Propos de la ministre Elisabeth Borne (LCP, La Chaîne Parlementaire, 7 avril 2025) :

Je pense que notre problème aujourd'hui, et ça fait l'objet d'une concertation, c'est la conception globale de l'orientation, qu'on ne doit pas définir au moment où on remplit ses choix Parcoursup, mais pour lesquels je pense que c'est très important − et ça a été un des thèmes de la réunion et des échanges que j'ai eus avec les recteurs la semaine dernière − qu'il faut se préparer très jeune, dès le départ, presque depuis la maternelle, à réfléchir à la façon dont on se projette dans une formation et dans un métier demain (sic)