C'est quoi le devenir quand on n'a plus d'avenir ?

Oui, le temps a passé, ne me reste à cette heure / Qu'un corps plié en deux qui n'a plus de vigueur / Je ne suis devenu que l'ombre de moi-même / Que reste-t-il alors de cette force suprême

Qui permet de faire face aux aléas vitaux ? / Je ne les affronte plus qu'à force de sursauts / Et je n'ai plus de mots pour rompre le silence / Le temps a grignoté toute mon existence

Ne me reste à penser qu'à ce que j'ai vécu / À de petits détails ma vie est suspendue / Penser à l'avenir, trop bref est ce qui reste / Et que pourrais-je penser qui ne soit pas funeste ?

(1) Le prénom a été modifié

Dans le Pèse-nerfs (1925), Antonin Artaud (1896-1948), poète surréaliste, dramaturge, metteur en scène, acteur, mais aussi dessinateur livre une vie de douleurs et sa souffrance de vivre.'

Si l'on pouvait seulement goûter son néant, si l'on pouvait se bien reposer dans son néant, et que ce néant ne soit pas une certaine sorte d'être, mais ne soit pas la mort tout à fait.

Il est si dur de ne plus exister, de ne plus être dans quelque chose. La vraie douleur est de sentir en soi se déplacer sa pensée. Mais la pensée comme un point n'est certainement pas une souffrance.

J'en suis au point où je ne touche plus à la vie, mais avec en moi tous les appétits, la titillation insistante de l'être. Je n'ai plus qu'une occupation, me refaire.

Antonin Artaud, Le Pèse-nerfs, in Oeuvres complètes, tome 1, vol. 1, Gallimard, 2005 (1976)

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