Propos orientés

Mars 1824 : naissance de Julie-Victoire Daubié (1824-1874). Mars 1924 : adoption, dans l'enseignement secondaire, de programmes identiques pour les filles et les garçons. Ces dates ne vous disent probablement rien tant personne, ou à peu près, ne connaît l'histoire de l'école et de l'éducation. En plus, il s'agit de celle des filles... France Mémoire nous rafraîchit la mémoire.

Au bon vieux temps de la droite gaullienne, l'Institut national de recherche pédagogique (INRP) finança trois importantes expérimentations. D'abord, la mise en place des cycles à l'école primaire, organisation qui en lieu et place des classes devait mieux prendre en compte la diversité des rythmes d'apprentissage des élèves, notamment une meilleure maîtrise pour tous de la langue et de la lecture, facteur essentiel de la réussite scolaire.

Depuis longtemps, la géographie de l'éducation s'est, en France, effacée derrière une histoire et une sociologie de l'éducation puis des sciences de l'éducation de grande qualité. Certes, il y eut bien une Géographie de l'école de 1993 à 2021, un regard institutionnel limité à l'école, et les travaux pionniers sur l'école rurale (Jean, 2007), montagnarde (Champollion, 2012) ou, plus largement, sur le couple éducation et territoire (Champollion, 2013). Mais rien d'aussi systématique que Géographie de l'éducation, concepts, enjeux et territoires. Un ouvrage fondateur d'un nouveau champ disciplinaire.

'' Depuis les années 1920, lancé par l'expérience initiale de Célestin et Élise Freinet, le mouvement international Freinet, porté par des milliers d'enseignants dans le monde entier, poursuit sa marche déterminée vers une éducation populaire exigeante, innovante, démocratique. En témoigne le nouvel ouvrage de Guy Goupil, Pédagogie Freinet, le mouvement en Mayenne, éditions Amis de Freinet (2022).

Faite par la République, la promesse d'une démocratisation par l'école a-t-elle été tenue ? Certes, on a massifié et permis à davantage d'enfants de tous milieux de fréquenter l'école. Mais ont-ils un égal accès à toutes les filières, à toutes les formations, à toutes les subtilités classantes ? D'une plume alerte et acérée, en historien expert des questions éducatives et de l'école, Patrick Cabanel conte par le menu l'hypocrisie sociale appliquée à l'école, un mal qui répand la terreur et mine les fondements mêmes de la République.

Il y a des femmes-soldats, des femmes violées par l'occupant, des femmes assurant la sécurité civile, des femmes qui travaillent à l'arrière du front, des femmes contraintes à l'exil avec leurs enfants à l'autre bout du pays ou dans un pays étranger, des femmes qui ne reverront pas leur compagnon ou dans un état physique et-ou psychique fort dégradé, des femmes sportives, artistes, écrivaines qui portent haut l'honneur, la culture et la force de leur pays dans le monde entier, des femmes directrices et institutrices des écoles qui organisent, dans des écoles ravagées par la guerre, la rentrée de septembre pour des enfants qui ne sont plus allés à l'école depuis février 2022, ce que montre l'enquête de Christian-Zsolt Varga dans Libération du 3 août 2023. Exemplaires capitaines courageuses d'Ukraine.■

Ils ont entre 16 et 18 ans. Scolarisés au lycée Salvador Allende d’Hérouville-Saint-Clair (Caen-la-mer, Calvados, Normandie) dans le dispositif SAS-allophones, ces neuf élèves ont été contraints par la direction académique et le rectorat d'interrompre leur formation le 26 mai. Six semaines avant la fin des cours, on les met à la porte. Violence ad-mini-strative inqualifiable.

Parfois, par miracle, lors du vidage des placards et des fichiers entre un ministre qui s'en va et un autre qui s'en vient, inhumée par l'ad-mini-stration précédente une étude s'exhume. Ainsi d'après cette note d'information parue en pleine canicule estivale, "Les collèges ont des compositions sociales très différentes, ce qui est régulièrement décrit comme un facteur renforçant les inégalités scolaires".

Au même titre que Montessori, Itard, Claparède ou Korczak, le Belge Ovide Decroly (1871-1932) fait partie de la lignée des médecins-pédagogues qui apportèrent tant au mouvement mondial de l'Éducation nouvelle.

2015. Avec David Bérillon, prof d'EPS, le proviseur crée une section danse urbaine au lycée bobo Turgot (Paris 3è). Profs engagés, à la fois intransigeants sur la nécessaire conciliation des études et du hip hop et très proches des élèves. Jeunes du 19è cassés par la vie, intelligents, créatifs, côtoyant des jeunes favorisés du 3è. Coruscant documentaire.

Je marche dans Paris et ne croise aucun enfant. Où sont-ils ? Chacun chez soi devant son écran ? Avec Pays de l'enfance, Thierry Paquot, philosophe de l'urbain, nous livre un ouvrage documenté, poétique, inspiré. Et si les enfants, plus encore que les oiseaux, étaient les grands absents de la ville ?

Le Groupe français d'éducation nouvelle (GFEN) a été créé en 1922 par des savants et éducateurs. À l'issue de la première guerre mondiale, ils ont lutté contre l'acceptation fataliste de la guerre. Son principe initial : L'éducation nouvelle prépare chez l'enfant le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches et l'humanité dans son ensemble, mais aussi l'être humain conscient de sa dignité d'homme. Le GFEN fête aujourd'hui ses 100 ans.

Compter et recompter. C'est ce que fait le Repères et références statistiques (RERS) publié par l'éducation nationale (DEPP) depuis 1984. Tout ce que vous voulez savoir − ou presque − sur l'éducation nationale : établissements scolaires, élèves du premier et du second degrés, apprentis, étudiants, résultats et diplômes, insertion, personnels. Bref, tout... ce que l'on veut bien vous dire. En 422 pages, chacune se dégustant feuille à feuille. Savoureux. 10 miscellanées goûtues pour illustrer.

Avec À côté de Freinet, paru aux éditions universitaires de Lorraine (2020), Henri-Louis Go et Xavier Rondet livrent un ouvrage de référence sur Célestin et Élise Freinet, celle-ci à juste titre valorisée à hauteur de son mari. Le volume 1 (1896-1945) présente la fabrication de "la machine Freinet".

Historien de l'éducation, professeur émérite à Paris-V, Claude Lelièvre tient le si sapide blog Histoire et politiques scolaires sur Médiapart. Dans son dernier ouvrage L'école d'aujourd'hui à la lumière de l'histoire, il redit avec argumentation, humour, précision, érudition et vivacité tout ce que les débats d'aujourd'hui sur l'école doivent au passé.

L'imposant Dictionnaire des lycées publics des Pays-de-la-Loire (PUR, 2009) constitue un ouvrage peu banal, un brin pavesque (3 kg), aux contours quasi dantesques : 652 pages, 170 contributeurs, index détaillés, copieuses illustrations d'archives, photos suggestives de Marc Rapilliard... L'Histoire, le patrimoine et la culture des lycées ligériens par en bas, à partir des acteurs et de la diversité des terrains. Un monde fascinant.

On aimerait revoir vite les jeunes à l'université, même masqués. Et pas seulement les néo-étudiants ni une seule journée par semaine. On aimerait que la situation exceptionnelle que nous vivons fût l'occasion pour nos gouvernants fébriles de traiter tous les étudiants de la même façon.

Quand préoccupé par sa loi contre le séparatisme et le respect des valeurs de la res publica (le projet de loi est toujours en cours d'examen par le pouvoir législatif en ce début janvier 2021), le président de la République a annoncé, en octobre 2020, la fin de l'instruction à domicile prétextant qu'elle cachait essentiellement des dérives islamistes,

Mourir d'enseigner la tolérance, émission Être et savoir, Louise Tourret, France Culture, 18 octobre 2020

Cours particuliers à domicile ou en visioconférence, cours collectifs en classe virtuelle, conseil en orientation... Au coeur de l'été, on apprenait que le crédit d'impôt de 50% de la somme payée pour les services à domicile s'étendait désormais à l'instruction et... à l'orientation !

Refaire école le jour des congés d'été, celui où l'on défait l'école : paradoxal, non ? Et pourtant, quelle annus horribilis... Trois mois d'interdiction totale d'école alors que la pandémie covid-19 avait eu le bon goût de préserver les enfants et les adolescents ; ensuite un retour tardif et facultatif (!) à l'école via la mise en place de protocoles d'accès aussi dissuasifs pour les familles que stigmatisants et épuisants pour des enseignants mobilisés par l'école en ligne ;

Qui s’est inquiété de la fermeture autoritaire de l’Université pendant six mois ? questionne Barbara Stiegler, philosophe, professeure à l'université Bordeaux-Montaigne dans Libé le 29 mai. Elle ajoute : Ce silence de la société, de la gauche et des syndicats est le symptôme d’une forme d’aveuglement face aux dangers mortels qui menacent la transmission du savoir, de l’unité du corps politique et de la démocratie. Si nous voulons que l’éducation, comme la santé, reste une affaire collective, publique et politique, c’est maintenant qu’il faut nous mobiliser.

Sait-on que, chaque jour qui passe sans école pour les ados, la fabrique à décrocheurs tourne à plein ? Sait-on que, sournois, le décrochavirus avance masqué dans ses prémices : ennui, absentéisme léger, choix d'investissement dans certaines matières seulement, devoirs rendus avec moins de régularité, insomnies passagères, passages récurrents à l'infirmerie du collège ou du lycée ?