Elle écrit :

On se parle à coups de kalachnikovs, aujourd'hui. (...) J'aimerais que nous arrivions à avoir des assemblées où la confiance serait telle qu'on pourrait converser. Où l'on s'écouterait vraiment, où on ne se jugerait pas avant même le complément d'objet direct, où l'on ne serait pas en train de préparer la réponse pendant que l'autre parle, où l'on admettrait qu'il faut parfois un silence, après, pour réfléchir à ce que l'autre vient de dire.

Converser, cela voulait dire : vivre ensemble. Dans les débats, c'est le contraire : les gens sont plus divisés à la fin qu'ils ne l'étaient au début. On a perdu l'art de se parler. On ne se persuade plus, on s'ostracise immédiatement. Et ça, c'est dangereux, dans une société. Et triste. Prenons soin du langage

Le philosophe Frédéric Worms lui répond en écho dans Libération du 23 février 2018 :

S’il est un souci qui doive nous réunir, c’est le souci du langage. On en mesure aujourd’hui plus que jamais toute la portée vitale, et à quel point prendre soin du langage, c’est encore prendre soin des êtres humains, des êtres vivants et du monde. (...) Face à un malheur qui est celui de la parole empêchée, refoulée ou interdite. Alors résiste la parole adressée, de l’un ou de l’une, à l’autre, avec des accents inimitables et qui nous reviennent quand nous y pensons avec un pincement dans la gorge. Le langage que l’autre nous aide à mettre sur nos maux, et qui nous délivre. Cette parole que les bruits du monde tendent à étouffer au nom de besoins supposés plus vitaux encore. Le langage, le langage, me dis-je, face au vertige des choses.