Harcèlement à l'école : les psy en première ligne ? (CIO 55)
Par Jacques Vauloup le samedi 18 août 2018, 06:12 - Allo j'écoute... - Lien permanent
Longtemps scotomisé en France alors qu’il était nommé et traité depuis belle lurette dans la plupart des pays de l’OCDE et de l’UE, le harcèlement psychologique apparaît désormais comme l’un des facteurs majeurs du décrochage scolaire et du déficit de persévérance cognitive, conative et sociale à l’école. Or, la plupart du temps, dans les académies, on impute la lourde et complexe charge du traitement de cette problématique aux seuls personnels médico-sociaux - assistants sociaux, médecins scolaires, infirmières - et l'on oublie l’aide spécifique que pourraient apporter, ès qualités, les psychologues de l’éducation nationale.
La création, en février 2017, du corps unique de psychologues de l'éducation nationale nous invite, sans tarder, à établir un principe et des méthodes de traitement et de prise en charge par des équipes pluridisciplinaires qui donnent toute leur place aux professionnel.l.e.s de la psychologie dont dispose le ministère de l'éducation nationale, en respect bien entendu de la compétence de chacun.e d’entre eux.
La circulaire ministérielle du 28 avril 2017 relative aux missions des psychologues de l'éducation nationale stipule que, par leur qualification de psychologues, ils.elles apportent un appui spécifique aux enfants, aux adolescents et jeunes adultes ainsi qu'à leurs familles. En mobilisant cette expertise au service de la prise en compte de toutes les dimensions de l'évolution et du développement cognitif, psychologique et social de chacun, ils contribuent à favoriser une approche bienveillante de l'école. Leurs interventions ont vocation à faciliter l'accès de tous les élèves aux apprentissages, à la culture, à la citoyenneté, à l'autonomie et au « vivre-ensemble », ainsi qu'au développement d'un environnement favorable au bien-être en milieu scolaire.
M'appuyant sur ces deux textes et sur l'expérience de plusieurs années de pratique des cellules de veille et de multiples entretiens avec des familles et des jeunes ayant subi des violences soit dans le cadre scolaire soit perpétrées à l'extérieur mais liées au contexte scolaire, j'ai rédigé, le 21 juin 2017, une note au directeur académique relative à la lutte contre le harcèlement et à la prévention des violences scolaires. Elle est jointe en annexe.
Parmi les points de retension du lien à l'école, et les effets attendus, ces trois-ci me paraissent essentiels :
(1) Affecter un.e ou deux psychologues de l’éducation nationale à la direction académique (spécialités : EDA Apprentissages / EDO Orientation). Effets attendus : Améliorer la prise en charge des élèves en risque de décrochage, des élèves présentant des souffrances psychiques : harcèlement, cyber-harcèlement, mal être, vulnérabilité narcissique, phobie scolaire. Développer, au plus près des terrains des acteurs (d'où le choix d'implantation en direction académique plutôt qu'au rectorat), les actions de prévention des risques de désinvestissement et de rupture scolaires, ainsi que l’analyse des difficultés d’apprentissage.
(2) Traiter systématiquement un cas d’élève concret et vivant dans chaque comité de direction. Effet attendu : Derrière les dossiers, les sujets d’actualité, les priorités institutionnelles, ne pas oublier la mère de toutes les batailles : donner toute sa place à l’enfant ou l'adolescent.e souffrant dans sa scolarité, ce qui est trop souvent scotomisé.e dans les divers comités de direction académiques (hors la question du handicap, qui a obtenu un réel droit de cité à l'école depuis la loi de février 2005).
(3) Adapter le règlement intérieur des collèges à la situation psycho-bio-cognitivo-sociale des plus de 13 ans, devenant adolescent.e.s. Effet attendu : Prendre en compte l'adolescent.e des classes de quatrième et de troisième alors qu'on le.la considère trop souvent encore comme des enfants prépubertaires dans les règlements intérieurs des collèges. Ennui, violence, agressivité des ados au collège (13-15 ans) : souvent une question d’hormones et non de neurones ; à ce jeu, les garçons sont perdants, et, conséquemment, les jeunes filles.
Billet mis à jour le 8 octobre 2018
Pour aller plus loin :
- Association pour la prévention des phénomènes de harcèlement entre élèves
- Grohan N. (2017), De la rage dans mon cartable, Hachette éducation. Un témoignage touchant et courageux d'une jeune femme harcelée au collège, ses conséquences sur sa vie, son engagement associatif.
- Debarbieux E., et alii (2018), Les violences sexuelles à l'école, une oppression viriliste, rapport, Observatoire européen de la violence à l'école, 130 p.
- Agir contre le harcèlement à l'école, Ministère de l'éducation nationale.
- Drieu D., Pinel J.-P., Violence et institutions, Dunod, 2016.
- Catheline N., Le harcèlement scolaire, PUF, Que-sais-je, 2015.
- Vauloup J. (dir.), Violences à l'école, prévenir, agir contre, EduSarthe, juin 2008, 141 p. Parmi les contributeurs : Roger Fontaine, André Sirota, Bernard Defrance, Georges Fotinos.