Education is a right
Par Jacques Vauloup le dimanche 2 décembre 2018, 04:38 - Nos astres errants - Lien permanent
En pleine rentrée scolaire française, Libération titrait Plus de 3 millions et demi de réfugiés n'ont pas accès à l'école (source : Haut commissariat aux refugiés de l'ONU, août 2018, données mondiales, année 2016). Pire encore : de 2015 à 2016, le nombre a augmenté de 500.000. Plus avant dans l'enquête, passée presque inaperçue en France fin août-début septembre, on découvre que, dans le monde, 61% des enfants réfugiés sont scolarisés dans le premier degré (total des enfants du monde : 91%) et seulement, horresco referens, 23% dans le second degré (enfants du monde : 84%). Quant à l'enseignement supérieur, il leur est interdit (1% des enfants réfugiés y sont scolarisés contre 36% du total des enfants du monde).
Et pourtant, rappelle l'ONU :
Education is a right
Education protects
Education empowers
Education enlightens
La France est-elle plus vertueuse que la moyenne ?
L'enquête onusienne ne le dit pas. En France, on observe que le ministère de l'éducation nationale ne publie pas de statistiques internes précises à ce sujet, se contentant de produire les statistiques annuelles des effectifs bruts d'enfants scolarisés qu'elle qualifie d'enfants ou élèves allophones. Mais combien d'enfants réfugiés, en migration, errants, boat children, survivants, déboutés du droit d'asile, refoulés de la Convention internationale des droits de l'enfant ne sont tout bonnement pas scolarisés ? Oui, dans notre France ! On ne le sait pas. Il suffit, au fil de nos promenades en ville, d'observer... Bien sûr, on me rétorquera que les communes, les écoles communales publiques, en cela aidées par les centres académiques pour la scolarisation des élèves nouvellement arrivés et des enfants voyageurs (CASNAV), font tout leur possible... Bien entendu, on ajoutera que les rectorats et les directions académiques ainsi que les établissements scolaires publics du second degré font tout leur possible et que quelques dispositifs dédiés émergent ici ou là... Mais, là aussi, il suffit de promener notre regard en ville...
Privé, Fraternité, Hospitalité, Vulnérabilité : quatre propositions
I. Privé. Imposer à l'enseignement privé sous contrat, qui bénéficie largement des fonds publics, les mêmes contraintes d'accueil d'enfants réfugiés, en migration, voyageurs, errants, boat children que celles dévolues à l'enseignement public.
II. Fraternité. Insuffler dans la scolarisation et les parcours scolaires de réussite des enfants réfugiés autant de moyens financiers qu'on en donne depuis une dizaine d'années, d'ailleurs fort légitimement, à la scolarisation des enfants en situation de handicap.
III. Hospitalité. Repenser l'hospitalité européenne et française, refonder une communauté européenne du bien commun qui inclue l'accueil, l'hébergement, la scolarisation et l'emploi des réfugiés, jeunes et adultes.
IV. Vulnérabilité. Prendre en compte les profondes souffrances physiques et psychiques dont sont victimes les boat children, enfants errants, survivants, en migration, séparés de leur famille, désaffiliés, et souvent blessés, humiliés, voire martyrisés. Quel traitement psychique leur offrons-nous ?
Left behind... Ne laisser personne, aucun enfant derrière nous, au bord du chemin... Nous en sommes encore bien loin, en France aujourd'hui. Dans ce domaine, depuis des années, les politiques publiques souffrent d'une timidité récurrente, à l'image d'une opinion publique dangereusement attirée par les sirènes populistes et xénophobes. Est-ce digne de la France d'engager si peu de moyens pour permettre aux jeunes errants qui ont dû fuir leur pays dans des conditions innommables, dès leur arrivée en France, l'apprentissage de la langue française ? Est-ce digne de la France d'ajouter des délais inacceptables avant de les scolariser ? Est-ce digne de la France de ne pas former décemment ces jeunes ? Est-ce digne de la France de les empêcher de signer des contrats d'apprentissage et des contrats de travail sous prétexte de leur altérité ? Est-ce digne de la France de leur interdire l'enseignement supérieur, obstacle qui pourrait encore être aggravé par le fort renchérissement des droits d'inscription à l'université prévu par l'actuel gouvernement ? Est-ce digne de la France ?
Pour aller plus loin
Ichou M. (2018), Les enfants d'immigrés à l'école, PUF, 320 p. et https://journals.openedition.org/lectures/28685
Agier M. (2018), L'hospitalité est ce geste qui dit : Tu n'es pas mon ennemi, Télérama, octobre 2018