Le centre du Mans a été créé en 1922. Avant la seconde guerre mondiale, son directeur publia un ouvrage pratique à l'intention du personnel enseignant des écoles primaires et créa des commissions d'études destinées à resserrer les liens entre le centre et ses partenaires. Après la Libération, Pierre Henri, son nouveau directeur et rédacteur de l'article, poursuivit le même but en créant des commissions techniques d'orientation. Il fit des traductions d'épreuves psychotechniques américaines et des recherches innovantes pour affermir son action. Après la réforme de l'enseignement consécutive au prolongement de l'âge de l'instruction obligatoire de 14 à 16 ans (Berthoin, 1959), l'action des conseillers d'orientation dans les établissements scolaires a évolué, les contacts avec les professeurs se multiplient au sein des conseils de classe et des groupes d'orientation. En dernière partie, l'auteur relate les missions du service de documentation et d'information du centre et ses relations avec le Bureau universitaire de statistiques (BUS), prédécesseur de l'ONISEP (créé en 1970). L'article expose les idées directrices qui ont guidé l'action du centre, les difficultés rencontrées au long des temps, l'évolution des missions, les différents stades de l'information des élèves et des familles jusqu'à la création en Sarthe de nouveaux centres.

PREMIÈRE PÉRIODE (1922-1948) : L'OFFICE D'ORIENTATION PROFESSIONNELLE

DEUXIÈME PÉRIODE (1948-1960) : LE CENTRE PUBLIC D'ORIENTATION PROFESSIONNELLE

TROISIÈME PÉRIODE (1960-1970) : LE CENTRE PUBLIC D'ORIENTATION SCOLAIRE ET PROFESSIONNELLE

QUATRIÈME PÉRIODE (1970-1982) : LE CENTRE D'INFORMATION ET D'ORIENTATION

Extraits

"Au long des années, les centres ont dû manifester une constante volonté de gagner et de réussir, car il leur fallait dépenser beaucoup de force et de temps pour démontrer leur compétence et convaincre leurs partenaires. Les enseignants n'étaient pas spontanément prêts à partager à part égale la responsabilité des décisions d'orientation avec des spécialistes n'appartenant même pas, à l'origine, à l'éducation nationale et qui, par la suite, quand ils furent intégrés, ne dépendaient d'aucun établissement. Ils se montraient en outre circonspects vis-à-vis de leurs techniques d'investigation parce qu'elles cherchaient à révéler les dispositions des élèves à la suite d'expertises psychologiques de courte durée et ne faisaient appel à aucune connaissance scolaire. Les conseillers ont su vaincre ces réticences et ce fut d'autant moins facile que la réforme de l'enseignement allant se développant, il fallait donner toutes leurs chances aux élèves en difficulté sur le plan scolaire, mais qui semblaient disposer des aptitudes nécessaires pour réussir plus tard.

Par tempérament − ils avaient choisi une profession d'aide à autrui −, par formation aussi, et en raison même de leur pratique, les conseillers s'étaient depuis toujours attachés à favoriser l'épanouissement individuel des élèves. Ils furent de la sorte de plus en plus amenés à encourager la promotion de ceux dont les aptitudes satisfaisantes n'avaient pas été reconnues par l'école. La défense de ces cas-problèmes pouvait être source de conflits avec les professeurs puisqu'on les incitait à diriger davantage d'élèves "à risque" vers les classes supérieures, et qu'ils appréhendaient ainsi d'être plus tard l'objet des reproches de leurs collègues. Pour surmonter ces réticences, les responsables du centre du Mans se sont efforcés d'apporter aux enseignants des informations claires, en faisant d'abord de leur service un lieu privilégié de rencontres, de confrontations et d'échanges, puis en participant à la formation des professeurs à tous les niveaux. Ils ont constamment cherché à améliorer leurs techniques psychologiques et ils l'ont fait, chaque fois qu'ils le pouvaient, en sollicitant la réflexion et la contribution des éducateurs.

Pour que le dialogue s'instaure entre les enseignants et les conseillers d'orientation, il doit y avoir échange de savoirs. Celui du conseiller tient à sa formation psychologique. Elle peut, seule, lui permettre de rechercher les données nécessaires à la compréhension des cas difficiles, d'en faire la synthèse, de poser un diagnostic et de proposer des solutions rationnelles. Sur ce point, son apport est discutable. Son savoir s'exprime aussi dans une connaissance approfondie de la documentation et dans les informations qu'il possède sur les flux scolaires, les exigences des métiers et les fluctuations de la vie économique.

Son savoir tient enfin à la continuité de son observation. En accompagnant les enfants pendant leurs études, d'établissement en établissement, le conseiller les voit évoluer et finit par reconnaître leurs faiblesses et leurs capacités. Cela lui permet, à l'occasion, de renseigner les professeurs sur le devenir de leurs anciens élèves et, quand cela se trouve, de leur démontrer la fragilité de certaines opinions passées.Grâce à ces différents savoirs, dont il est le seul à pouvoir faire la synthèse, le conseiller apporte une plus-value réelle à l'acte d'orientation et sa présence ne saurait être contestée.

Si l'un de ces savoirs se trouve réduit ou vient à manquer, ou si l'un d'eux s'hypertrophie au détriment des autres, le dialogue avec les éducateurs risque d'en être affecté, comme à plus long terme le devenir de la profession. Au cours de l'histoire des centres, son personnel s'est toujours passionnément investi dans un travail où tout était en continuelle évolution. Les conseillers ont manifesté, dans l'exercice de leurs fonctions, un remarquable talent novateur, n'hésitant pas à ouvrir des voies nouvelles qui ont été reconnues par la suite. Aujourd'hui comme par le passé, l'avenir de la profession dépend entièrement de sa capacité à mobiliser la créativité de tous et de l'aptitude de ses dirigeants à écouter les non-conformistes de l'orientation et à les laisser libres d'entreprendre et de s'engager.

Les conseillers sauront bien dégager les actions les meilleures pour promouvoir une orientation plus humaine."

On ne saurait oublier ce que l'orientation d'aujourd'hui doit aux pionniers, aux inventeurs d'hier : leur énergie vitale, leur soif d'innovation, leur engagement professionnel et citoyen. Marcel Henri au tout début, puis son fils Pierre Henri furent de cette trempe. Lors des 59è journées nationales d'études de l'orientation que nous avions organisées au Mans en septembre 2010, j'avais invité Monique Henri, l'épouse de Pierre Henri, elle était venue assister à l'atelier conduit par sa fille Catherine Henri, professeure et écrivaine, sur le thème Fatum et kairos. Quelques jours après, Monique Henri m'écrivait ceci : Rescapé d'un maquis, très durement touché en 1944 dans les Landes, mon mari s'était engagé à faire quelque chose d'utile de sa vie. Je pense qu'il a tenu sa parole. Il était passionné par l'action à mener pour le développement des services d'orientation et la nécessité de venir à l'aide des jeunes en devenir ; il aura donné beaucoup de lui-même à cette tâche. Sa vie a été consacrée à son travail auprès des enfants, surtout quand ils étaient en difficulté.