de l'éducation nationale peuvent lire attentivement la fiche ''Orientation'' publiée par l'Institut des hautes études de l'éducation et de la formation (IH2EF) (Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse). Véritable vademecum à l'intention des personnels de direction des établissements du second degré, la fiche Orientation décrit les domaines, les outils, les compétences et la méthodologie qui permettront à l'élève de construire son projet d'orientation scolaire et professionnel aux différentes étapes de sa scolarité et d'assumer progressivement les projets qui feront de lui un citoyen à part entière. Et jamais cette fiche officielle ne mentionne le rôle, les missions et les activités des Centres publics d'information et d'orientation du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, leur employeur. Excusez du peu...

EXTRAITS

1. "Savoir orienter" est un enjeu majeur du système éducatif

L'importance de cette compétence, directement liée à l'objectif de réussite et d'insertion sociale et professionnelle de l'élève, est d'ailleurs réaffirmée par la place qui est faite à l'éducation à l'orientation dans les réformes en cours. L'éducation à l'orientation nécessite une forte mobilisation de nombreux partenaires (collectivités locales, organismes professionnels d'employeurs ou de salariés, organismes de formation hors éducation nationale, etc.). Dans ce domaine, une nouvelle répartition des compétences entre l'État et les régions est déclinée dans un nouveau cadre national de référence (article 3 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 et le décret n° 2019-218 du 21 mars 2019).

12 heures annuelles d'accompagnement à l'orientation en classe de quatrième

36 heures annuelles en classe de troisième, à titre indicatif

54 heures sont prévues, à titre indicatif, selon les besoins des élèves et les modalités de l'accompagnement à l'orientation mises en place au lycée d'enseignement général et technique pour l'accompagnement au choix de l'orientation

La mise en place des familles de métiers au lycée professionnel concourt à un nouvel échéancier dans la construction du projet professionnel (sic).

NDLR. Enjeu majeur ? Vraiment ? Attribuer à l'orientation 1h par semaine en troisième, 20 minutes en quatrième et 1h et demie au lycée : est-ce sérieusement faire de l'enjeu décrété majeur un véritable enjeu... majeur ?

2. Favoriser les conditions d'émergence du projet personnel de l'élève

2.1. Diffuser l'information auprès des usagers : connaître et consulter le site "Mon orientation en ligne" de l'ONISEP qui propose un service personnalisé et où l'on peut consulter une foire aux questions. Consulter également les guides d'orientation sur le site de l'ONISEP.

NDLR. Seul devant son écran ou son smartphone. Seule avec sa brochure de l'ONISEP. A distance de tout conseil personnalisé en présence d'une personne... présente physiquement : voilà un beau service... personnalisé.

2.2. Mettre en place des temps de découverte des métiers

C'est une dimension importante de la réflexion des élèves, qui trop souvent se projettent dans des métiers qui leur sont familiers. Les temps d'ouverture et d'exposition aux réalités professionnelles qu'elles se fassent dans l'établissement scolaire (forum, conférences, etc.), lors de visites d'entreprise ou d'organismes de formation, ou de stages, doivent favoriser la variété et la diversité.

3. Piloter les procédures d'orientation en toute transparence

Le personnel de direction (...) doit veiller à ce que tous les usagers et surtout les plus éloignés du système éducatif reçoivent et comprennent les procédures applicables aux opérations d'orientation puis d'affectation. Le chef d'établissement organise le dialogue avec les familles et l'aide nécessaire. Il veille à ce que les différentes étapes soient comprises : intentions d'orientation des élèves ; recommandations d'orientation du conseil de classe ; vœux définitifs d'orientation des élèves ; décision du chef d'établissement après la réunion du conseil de classe ; entretien entre le chef d'établissement ou son représentant avec les élèves et leurs responsables légaux s'il y a désaccord ; décisions d'orientation du chef d'établissement ; commission d'appel ; affectation ; inscription dans l'établissement d'affectation ; ajustements (sur places vacantes) ; droit à l'erreur prévu pour les élèves entrant au lycée.

3.1. Phase provisoire au second trimestre

3.2. Phase définitive au troisième trimestre

3.3. Désaccords, commissions d'appel

3.4. Affectation

3.5. La sectorisation, les dérogations

4. Expérimentations en matière d'orientation: pour les élèves de lycée professionnel

Dans sa conférence donnée au Mans le 23 septembre 2010 sur les Dispositifs d'information et de conseil en orientation (cf. diaporama intégral en annexes), le professeur Jean Guichard, s'appuyant sur le philosophe Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831), distingue la société civile, sphère des intérêts privés en compétition dans laquelle les plus faibles sont nécessairement vaincus, et, d'autre part, l'État, instance indépendante des intérêts privés jouant un rôle fondamental de régulation, et qui a pour fonction de mettre en place des dispositifs et des institutions garantissant à chaque citoyen de pouvoir exercer ses droits, c’est-à-dire de se construire en tant qu’homme libre ou que femme libre.

À la société civile correspondent des entreprises privées qui peuvent répondre pleinement aux besoins des personnes en matière d’orientation, le financement de ces entreprises relevant exclusivement des personnes individuelles ou collectives (une mutuelle pour ses bénéficiaires, un établissement scolaire pour ses élèves, etc.) qui s’adressent à elles. À l'État correspondent des services publics pouvant assurer à chacun – quelles que soient sa richesse et sa puissance – les prestations nécessaires pour être accompagné dans son orientation. L’État définit les missions fondamentales de ces services, leurs finalités sociales, politiques, économiques, éthiques, ainsi que les objectifs qu’ils visent. Certains objectifs intermédiaires, de même que les méthodes d’intervention nécessaires pour les atteindre, peuvent relever d’instances subalternes auxquelles l’État délègue son pouvoir.

Dans le cas des entreprises de la société civile tout au contraire, l’État ne joue aucun rôle dans la définition des finalités et objectifs fondamentaux de chacune des entreprises concernées. Celles-ci ont pour finalité fondamentale de réaliser suffisamment de gains pour se maintenir et croître. Leurs objectifs sont, par conséquent, d’apporter des réponses aux demandes d’accompagnement en orientation qui satisfassent les personnes individuelles ou morales qui s’adressent à elles, tout en générant des revenus suffisants pour l’entreprise. Certaines entreprises peuvent, par conséquent, se spécialiser dans l’accompagnement de certains publics plus solvables que d’autres.

Aujourd’hui, en 2020 en France, les modes d’organisation effectifs de l'orientation se rapprochent de plus en plus de la forme que Jean Guichard avait qualifiée de société civile en 2010. Elle trouve de nombreux avocats dans les milieux du libéralisme économique faisant du lobbying intensif à Bruxelles. À leurs yeux, elle est la plus efficace et la moins coûteuse. D'où le développement exponentiel de cabinets de coaching en orientation (en présentiel ou en ligne), mais aussi la privatisation accélérée des salons ou forums de l'orientation qui ne constituent plus désormais, sur fond d'angoisse du lendemain, que des show-rooms vantant la plus intelligente formation, le métier-passion, le carnet d'adresses des plus fournis, le retour sur investissement sans comparaison, les plus mirifiques carrières et, bien entendu, le plus rutilant établissement de formation.

Pour la puissance publique, il convient seulement d’en limiter les possibles effets néfastes en attribuant à l’État un rôle réduit, mais certainement pas indolore pour la poche du contribuable quoique totalement out of control hors la loi du marché. Condamnant le service public d'orientation au service minimum, l'État est un distributeur de « vouchers » (bons d'échange, crédits d'impôt) permettant aux personnes qui n’en ont pas les moyens de recourir aux services de ces entreprises privées et aux autres de ne payer en réalité que la moitié des sommes qu'ils versent en faisant appel aux coachs.

L'État et les Régions, en définitive le contribuable, produisent un cadre réglementaire minimaliste et certains modes de financement : crédit d'impôt aux particuliers pour le coaching individuel, financement aux établissements scolaires leur permettant de faire face à l'obligation légale de fournir à leurs élèves certaines prestations d’orientation dans le cadre du parcours avenir, subventions publiques généreusement attribuées aux forums de l'orientation. Dans ce cadre, l’établissement scolaire lance un appel d’offres aux entreprises d’information et de conseil en orientation, prestataires de service ; il choisit ensuite la meilleure offre. Allons, un petit effort, Monsieur le Ministre : nous y sommes presque ! Les Centres publics d'information, d'orientation et de psychologie du conseil (CIO) peuvent définitivement crever !

Ce billet a été modifié le 19 janvier 2020