Sait-on que nombre de jeunes étudiants vivent largement au-dessous du seuil de pauvreté ?

Sait-on que, les restaurants universitaires fermés depuis près de trois mois, certains jeunes étudiants ne mangent plus à leur faim et que les associations humanitaires se sont installées sur les campus ?

Sait-on que les années universitaires entamées devront être validées à distance, privant encore un peu plus de contact humain des jeunes qui auront été confinés pendant deux mois pour protéger la génération des plus de 70 ou 80 ans sensibles au COVID-19 alors que la leur n'aura pas été touchée par le virus ?

Sait-on qu'au contraire des librairies rouvertes, les bibliothèques universitaires restent fermées début juin et que personne ne sait quand elles rouvriront ?

Sait-on que nombre d'étudiantes et d'étudiants ne pourront pas valider leur année, faute d'entreprise pouvant les accueillir en stage en juin, juillet, août ?

Sait-on que, outre le stress et la fatigue engendrés par la préparation d'un ou plusieurs concours exigeants dans des conditions isolées et distanciées, les conditions mêmes des concours, méconnues jusqu'à fin mai ou début juin, ont rajouté une dose supplémentaire de stress à des organismes déjà bien fatigués, au risque de les faire craquer dans la dernière ligne droite ?

Sait-on que les jobs d'été, grâce auxquels beaucoup d'étudiants survivent, sont d'ores et déjà compromis dans l'animation, les loisirs, les centres de vacances, la restauration, l'hôtellerie ?

Sait-on que les étudiants qui avaient, dans le cadre d'accords internationaux de coopération tels que Erasmus ou d'autres, prévu d'aller poursuivre leur cursus à l'étranger en 2020-2021, sont démunis d'information à ce jour sur ce qui se passera pour eux dans quelques semaines, et dans l'impossibilité de se projeter ?

Sait-on que celles et ceux qui, en fin d'études, se trouveront sur le marché de l'emploi dans quelques jours ou quelques semaines, seront directement et prioritairement impactés par les difficultés économiques des entreprises qui annuleront ou reporteront leurs prévisions d'embauche d'avant COVID ?

Sait-on que nombre d'étudiantes et d'étudiants ainsi précarisés, maltraités, souvent éloignés de leurs familles elles-mêmes démunies et dans une grande fragilité, sombrent ou sombreront dans la désespérance, la dépression, la maladie mentale voire le suicide ?

Et enfin, last but not least, savez-vous que, lors de sa conférence de presse du 28 mai, dite de déconfinement, les mots "étudiants" et université" n'auront été prononcés ni par le Premier ministre, ni par tel ou telle ministre, ni même par ne serait-ce qu'un seul journaliste ?

Oui, il est temps de se préoccuper de notre jeunesse. Car la majorité des étudiants n'est pas la jeunesse pré-carré des beaux quartiers, mais la ''jeunesse précaire'' des quartiers et celle des campagnes désolées. Au bout du compte, c'est elle qui paiera, durablement, le plus lourd tribut à la pandémie. Et, pour commencer, il faut rouvrir les universités : bibliothèques, restaurants (en assurer la gratuité jusqu'à la fin de l'été), salles et terrains de sport. Prolonger le droit à l'occupation des chambres universitaires jusqu'à fin août. Prolonger le versement des bourses aux étudiants pendant l'été. Et, comme à l'école, au collège ou au lycée, assurer un retour minimal en cours, en TD, en séances de discussion-projet ou groupes de paroles. Proposer également une aide psychologique. Bref, il faut se réveiller et prendre soin de la jeunesse étudiante. Car elle souffre et va souffrir. Veut-on qu'elle soit la génération sacrifiée ?

Ce mot a été amodié le 3 juin, le 4 juin puis le 5 juin 2020

Par communiqué du 2 juin, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation édicte les modalités de la réouverture des universités en juin : les services administratifs d'inscription, les bibliothèques, la médecine préventive, les laboratoires, les salles informatiques et les services de formation continue seront rouverts. Les restaurants universitaires resteront fermés (pourquoi ?) et les enseignements de formation initiale attendront septembre (pourquoi ?). À noter : nombre de bibliothèques universitaires s'en tiennent à un service "drive". Une occasion est ainsi ratée de renouer le lien direct avec les étudiants dès juin.