Il pleut des milliards ; pour l'éducation, combien ?
Par Jacques Vauloup le mercredi 10 juin 2020, 02:41 - Droit d'irritation - Lien permanent
Près de 500 milliards engagés par l'État : 18 milliards d’euros pour l’industrie du tourisme, 8 milliards pour la filière automobile, 15 milliards pour l’aéronautique, 3 milliards pour les start-up, 5000 € par an pour les entreprises embauchant un apprenti de moins de 18 ans et 8 000 € pour un jeune entre 18 et 30 ans, soutien de plusieurs milliards à la culture, etc.
Et, bien entendu − on ne s'en plaindra évidemment pas −, des milliards abonderont très prochainement dans l'hôpital public et les établissements publics d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes.
Mais combien pour l'aide sociale à l'enfance ?
Combien pour la protection judiciaire de la jeunesse ?
Combien pour l'enfance en situation de handicap ?
Combien pour l'école ?
Combien pour les décrocheurs d'école et pour celles et ceux qui s'en occupent ?
Combien pour le collège ?
Combien pour le lycée professionnel (alors que l'apprentissage vient d'être doté d'une manne significative) ?
Combien pour les mineurs isolés étrangers ?
Combien pour les étudiants précaires et pour l'université ?
Combien − ce qui est réservé actuellement aux personnes en affection de longue durée − pour le remboursement, par la Sécurité sociale et les mutuelles santé, des consultations psychologiques afin de prendre en charge, tout particulièrement dans l'enfance, l'adolescence et chez les jeunes adultes, les troubles phobiques (agoraphobie, phobies spécifiques, anxiétés), peurs-paniques, dépressions, violences, addictions et décompensations en tout genre pouvant conduire à des tentatives de suicide et, parfois même, au suicide ?
Indispensable, la psychiatrie ne peut pas tout.
La jeunesse susceptible de faire affluer vers elle des fonds publics supplémentaires en temps de pandémie se limiterait-elle à la jeunesse apprentie ou à la jeunesse nantie qui aura fui avec ses parents les villes brusquement enconfinées pour rejoindre l'air si pur de la résidence secondaire des parents ou des grands-parents à la mer, à la montagne ou en campagne, ou même à la jeunesse empavillonnée protégée du pire des embastillements alors que la jeunesse désapprenante, dépréciée, hlm-isée, démunie, désenchantée, déclassée, désorientée en aurait été exclue ?
Car, n'en doutons pas, le long épisode de grand confinement-renfermement produira, tout particulièrement, dans la jeunesse des unhappy many, de lourdes séquelles cognitives, mentales, psychiques, relationnelles, financières, économiques, scolaires, universitaires que ne connaîtra assurément pas la jeunesse des happy few.
Pour soigner la psychè endolorie des jeunes générations si injustement endolories, on pourrait s'en remettre, une fois de plus, à la chimie et aux molécules, voire à la camisole chimique, ce qui est efficace pour lobotomiser la société et les adultes, parfois nécessaire pour traiter une affection temporaire, la plupart du temps addictif, aliénant et souvent insuffisant pour soigner profondément et durablement un être humain rendu étranger à lui-même. À privilégier la jeunesse pré carré plutôt que la jeunesse précaire, à mal-traiter ainsi ce qui fait la force vive d'un pays, croit-on que c'est en se défiant d'elle et de son devenir qu'on lui donnera des ailes pour prendre confiance en l'avenir de son pays ?