Avec le numéro de la revue Formation-emploi consacré à Un nouvel âge de la sélection scolaire (n°158, 2022-2), le CEREQ présente plusieurs contributions passionnantes. Se former, est-ce seulement augmenter son capital humain ? Ou également trier les personnes ?

Parmi les contributions à la revue :

Un nouvel âge de la sélection scolaire ? Formes et logiques de sélection dans un système éducatif massifié (Marianne Blanchard, Philippe Lemistre). « Ça veut dire quoi "non-sélectif" ? Ils prennent tout le monde ? » (Marion Valarcher). La sélection invisible des étudiants handicapés dans l’enseignement supérieur (Anaelle Milon). Sortir sans diplôme de l’enseignement supérieur : un effet possible du département d’origine ? (Arnaud Dupray) Une sélection au « mérite » ? Renouveler les élites, ouverture sociale et dispositifs de jugement dans l’enseignement supérieur sélectif (Charlotte Glinel, Agnès van Zanten). La sélection à l’entrée à l’université, gage de poursuite d’études en Humanités ? Licences sélectives et non sélectives (Mathieu Rossignol-Brunet).

Silence, on trie

Dans la Postface Pourquoi sélectionner les individus dans les systèmes scolaires massifiés ? (pages 235-238), Séverine Chauvel rappelle que, depuis les années 1980, aux quatre coins de la planète, les systèmes scolaires massifiés connaissent un allongement important des études. Démocratisation relative toutefois, car il s'agit de démocratisation ségrégative, selon l'acception de Pierre Merle (2000), à savoir une organisation en formations inégalement valorisées.

Séverine Chauvel : Les sélections multiformes à l’œuvre au sein des systèmes éducatifs massifiés s’intensifient, à tous les segments, accentuant les polarisations entre formations et les inégalités socioscolaires. Des programmes spécifiques sont alors mis en œuvre pour réduire les inégalités d’accès aux études et de réussite. Les missions traditionnelles de l’école autour de la transmission des savoirs et de l’évaluation s’élargissent désormais à celles qui visent à prévenir les "échecs" scolaires ou à favoriser la "diversité" sociale.

Au fond, nous évoluerions, constate-t-elle, dans un moment où l'accroissement des effectifs de diplômé.e.s va de pair avec une augmentation des différenciations entre les filières, les formations et les territoires. Ainsi le nombre d’heures de cours, le statut et la formation des enseignant.e.s, les conditions d’accueil, d’apprentissages et leurs contenus peuvent varier considérablement d’un espace à l’autre, dans un contexte de baisse de la dépense moyenne par étudiant·e dans l’enseignement supérieur. Ce numéro de Formation Emploi documente finement la multiplication des sélectivités.

Comment expliquer, questionne Chauvel, que cet accroissement des sélectivités semble relativement accepté alors qu’il réduit manifestement les marges de manœuvre des différentes parties, qu’il s’agisse des élèves ou des recruteurs ?

Sans doute doit-on y voir la rencontre opportuniste, utilitariste ou complice entre l'idéologie capitaliste et l'idéal de l'individu autonome et "méritant".

Ce mot a été amodié le 13 octobre 2022

Pour aller plus loin

Études supérieures : la sélection permanente ? Être et savoir, Louise Tourret, France Culture, 10 octobre 2022, durée : 52'09".

Un nouvel âge de la sélection scolaire ? Revue Formation-emploi, n°158, juillet 2022, CEREQ

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