47è JNE Le Mans 1998 [2/6] Michel Huteau
Par Jacques Vauloup le vendredi 19 octobre 2018, 04:13 - Congrès ACOP-F : Le Mans 1998, Le Mans 2010 - Lien permanent
Dans sa conférence sur L'évolution du rôle et des méthodes des conseillers d'orientation des années 1920 à aujourd'hui, Michel Huteau, professeur de psychologie au CNAM-INETOP, a montré que, si l'histoire des services d'orientation a commencé au lendemain de la première guerre mondiale, la réflexion sur leur nécessité fut bien antérieure et trouva son origine dans les changements économiques et sociaux de la fin du 19è siècle.
L'histoire de l'orientation est en étroite connexion avec l'histoire économique et sociale, l'histoire de la scolarisation et de l'appareil scolaire, l'histoire des structures administratives, l'histoire de la psychologie, l'histoire des idées et celle des pratiques.
Avec la loi Astier du 25 juillet 1919 et le décret du 26 septembre 1922, correspondant à la naissance de l'orientation sur fond de pénurie de main d'œuvre et de nécessité de qualification après la première guerre mondiale, la pratique de l'examen psychologique d'orientation professionnelle fut majoritaire dans l'entre-deux-guerres. Mais la véritable naissance du service d'orientation
se situe à partir du décret-loi du 24 mai 1938, soit en réalité, du fait des perturbations de la seconde guerre mondiale, à partir de 1945 : les centres d'orientation professionnelle puis les centres d'orientation scolaire et professionnelle qui leur succèderont à partir du milieu des années 1950, accompagneront la première explosion scolaire
avec, prioritairement, la pratique du testing collectif, laquelle, avant d'être décriée par les sociologues et accusée de camoufler les inégalités, fut perçue initialement comme un outil de justice sociale.
Les textes des années 1970 − création de l'ONISEP en 1970, création des CIO en 1971, procédures d'orientation en 1973 − ouvrent l'âge de l'information et, plus tard, de l'éducation à l'orientation (1996), mais aussi, corollairement, signent la place grandissante des professeurs dans l'aide à l'orientation de leurs élèves et l'internalisation progressive des conseillers d'orientation dans les établissements scolaires publics du second degré et à l'université. A l'extérieur de l'éducation nationale, les conseillers en orientation et en insertion se développent rapidement dans diverses institutions : Missions locales, CIBC, ANPE, etc. Alors que les conseillers d'orientation de l'éducation nationale représentaient la quasi-totalité des professionnels de l'orientation en 1970, ils n'en représentaient plus que le tiers ou le quart en 1998.
Pour conclure cette courte présentation, deux des conclusions de l'auteur, formulées, rappelons-le, en septembre 1998, invitent à la réflexion le lecteur qui (re)découvre le texte de Huteau vingt après en 2018 :
Page 6/7 (bas) : 3° L'histoire des services d'orientation est la longue histoire de leur intégration dans le système éducatif. Souhaitée par les personnels, cette intégration a débuté dès 1922 et elle s'est poursuivie très régulièrement, tout à fait indépendamment des changements politiques et sociaux. S'il y a une tendance lourde, c'est bien celle-là ! Il est donc assez étonnant d'entendre périodiquement des gestionnaires du système éducatif déplorer que les conseillers soient souvent éloignés des réalités du monde du travail. Ils oublient que la situation actuelle n'est que le résultat des politiques parfaitement cohérentes, de ce point de vue, menées pendant des décennies. Cette intégration est-elle terminée ? Nous n'en savons rien. Mais n'étant pas totale, elle peut encore se prolonger. La disparition de CIO et l'affectation des conseillers dans les établissements porteraient le processus à son terme. Compte tenu de cet état de fait, les discours sur le rôle d'interface entre les mondes du travail et de l'éducation que joueraient les services d'orientation paraissent un peu convenus. Il est d'ailleurs tout à fait symptomatique que de nouvelles institutions plus à même de jouer ce rôle aient été créées et qu'il ait fallu en quelque sorte réinventer l'orientation professionnelle.
Page 6/7 (bas) : 4° Depuis très longtemps, les conseillers d'orientation exercent une activité de psychologues et, pour la plupart d'entre eux, se perçoivent comme tels. La reconnaissance du droit à bénéficier du titre de psychologue, reconnaissance tardive (1991) et laborieuse, leur était donc due. Mais sur quoi est fondée cette identité de psychologue ? Jusque dans les années 1970, elle était ancrée sur la pratique de l'examen psychologique, pratique qui est devenue marginale. Sur quoi doit-elle maintenant se fonder si on souhaite la distinguer clairement de celle d'un travailleur social, d'un enseignant ou d'un animateur socioculturel ?
Le texte intégral de la conférence donnée par Michel Huteau au Mans le 22 septembre 1998 est en annexes aux formats .docx et .pdf.