Conseil et limites, limites du conseil, par Josette Zarka 2/2 (CIO 68)
Par Jacques Vauloup le dimanche 27 janvier 2019, 03:05 - Ex libris - Lien permanent
Vingt-trois ans après l'article princeps de Josette Zarka (1977), la revue OSP publia, en mars 2000, Conseil et limites, limites du conseil, au-delà des limites. L'article est d'autant plus riche et indispensable qu'il s'appuie sur des vignettes cliniques. Texte introuvable en version numérique, nous le publions ici en versions .docx et.pdf.
La première partie traite des situations limites et du conseil interminable. La deuxième partie concerne le conseil bref, tel qu'il peut se dérouler dans le cadre d'une permanence d'accueil. La troisième partie aborde la question des demandes ambiguës. Les différences entre entretien de conseil et entretien psychothérapeutique sont analysées.
Trois questions sont abordées dans son article par Josette Zarka : la question du conseil interminable, cas où le consultant utilise le plus souvent le cadre du conseil à contre-courant, la question du conseil bref, tel qu'il peut se dérouler dans le cadre de la permanence d'accueil d'un centre d'information et d'orientation, et enfin la question de la délimitation du conseil et la gestion de l'ambiguïté.
PLAN DE L'ARTICLE
PREMIÈRE PARTIE : SITUATIONS-LIMITES ET CONSEIL INTERMINABLE
1. L'appel sans espace : Ce genre de situations se rencontre là où les sujets utilisent le cadre du conseil (institution, notion et personne du conseiller) à contre-courant. Le motif invoqué est tout à fait pertinent et "colle" à la finalité de l'institution, mais il recouvre à cet égard une demande totalement inadéquate. J'ai retenu deux exemples (sur 4). Ils se caractérisent par des motifs solides et très crédibles, par l'extrême gravité de la situation et, enfin, par un refus quasi automatique de toute solution.
1.1. Le motif
1.2. Gravité de la situation
1.3. Pressions sur le conseiller
1.4. L'inanité des solutions et la prévention du pire
1.5. Demande paradoxale et relations parasitaires
1.6. L'appel : Je l'ai défini plus haut comme une modalité d'expression non verbalisée et non verbalisable qui se profère faute de pouvoir structurer, cerner sa propre démarche. Il s'émet de manière indifférenciée comme un fond sonore ; dans le meilleur des cas, comme une musique de fond et, dans les pires, comme une cacophonie (cf. la famille de Philomène). Il correspond à une force non canalisée, non canalisable pour le moment. Dans tous les cas où il y a motif sans demande, l'appel s'apparenterait au cri de secours de quelqu'un qui se noie et qui, malgré lui, enfonce celui qui tente de le sauver.
DEUXIÈME PARTIE : AU-DELÀ DES LIMITES, LE CONSEIL BREF
2. L'espace des appels
2.1. Cadre matériel et cadre psychologique
2.1.1. Cadre matériel
2.2. Cadre psychologique et processus de dégagement
2.2.1. Le dégagement : définition et commentaires
2.2.2. Les marges de manoeuvre dans le dégagement
− Placer
− Calmer
− Analyser
− Activer
2.2. Dégagement et types de conseil
2.2.1. Le conseil informateur
Le conseil informateur procède, c'est bien connu, par la mise en rapport des dispositions des sujets avec les données de la réalité extérieure. Les motivations des sujets les poussent à s'informer et, en retour, les informations peuvent s'avérer motivantes. Ce double mouvement s'amplifie à l'accueil (du CIO) dont l'originalité se traduit par des allers et retours constants entre investigation de soi et recherches d'informations.
2.2.2. Le conseil recadrant
Cette formule s'apparente à la précédente sous certains aspects, mais en diffère notablement dans les modalités d'analyse de la demande que le conseiller ne prend pas à la lettre, surtout quand elle apparaît dissonante. Il s'efforce alors de la considérer comme une énigme à déchiffrer.
2.2.3. Le conseil confrontatif
Le conseil est toujours confrontatif. Face à une décision ou à un choix, on doit le plus souvent envisager aussi des arguments contre. J'ai retenu cette formule qui, par certains côtés, s'apparente à la précédente, pour désigner des situations où le conseiller refuse (parfois carrément) la requête du sujet.
2.3. Brève rencontre, paradoxes et appel
2.3.1. Brève rencontre
2.3.2. Interactions de dégagement et paradoxes
2.3.3. Paradoxes et appel
TROISIÈME PARTIE : DÉLIMITATION DE L'ESPACE DU CONSEIL ET GESTION DE L'AMBIGUÏTÉ
3. L'ambiguïté du sujet
Analyse et commentaires
Rapports entre conseil et psychothérapie
3.1. Contours et différences
3.2. Les limites dans l'espace commun
− Les modalités d'écoute et de compréhension du problème
− Les relations instaurées entre le conseiller et le consultant
4. L'ambiguïté dans la démarche d'un tiers
Analyse et commentaires
CONCLUSION GÉNÉRALE (Extraits)
Le paradoxe fondateur du conseil (influencer/laisser libre) entraîne un tourbillon de paradoxes. Celui de ses limites n'est pas le moindre. Il pourrait s'énoncer ainsi : "Le conseil ne peut dépasser ses limites qu'en le respectant". Étant donné le caractère inépuisable de ce paradoxe, j'ai du mal à conclure. Je ne peux le faire qu'en entrant une fois de plus dans le paradoxe. Je vais donc revenir sur la notion d'appel, qui représente un "construit" difficile à définir mais qui correspond à une réalité concrète, même si elle est exceptionnelle. L'appel, semble-t-il, ne se rencontre pas dans la pratique courante. Nous l'avons suspecté dans les cas dits "limites" et dans certains cas dit "uniques". Il relève d'une réaction paradoxale à la situation de conseil.
Le conseil porte, rappelons-le, sur des conduites. Il implique donc le changement d'une situation donnée et non un changement de la personne ni une réduction de ses troubles comme en psychothérapie. Il s'exerce à partir d'une nécessité externe (choix, décision, orientation) qui mobilise les instances du sujet (besoin, désirs, craintes, etc.) à changer. En présence de conflits personnels ou en état de crise, l'accroissement des désirs, des craintes et/ou des deux associés peut entraîner des "réactions paradoxales". Il se produit un excès de tension qui se manifeste par un appel, soit pour aboutir au changement, soit pour le freiner. Dans le cas du changement, les sujets jouent le jeu des limites effectives à l'intérieur desquelles leur appel rebondit. Les pressions internes stimulent leur désir d'aboutir, donc de spécifier leur demande. Ils entrent alors dans le paradoxe de l'indépendance : "Influencez-moi, mais laissez-moi libre".
(...) À la différence de la psychothérapie, le conseil s'impose à un moment donné compte tenu de la rencontre des exigences du milieu et des besoins individuels. Il est localisé et localisable. Une réponse adéquate au moment voulu peut ainsi correspondre à un tournant dans la vie de quelqu'un. Le conseil, je le redis, ne se propose pas de changer les individus ni la famille ni même les relations entre ses membres. Toutefois, en agissant sur une situation locale au moment idoine, il peut transformer le fonctionnement d'un ensemble (individu ou système). Le conseil peut avoir des effets thérapeutiques (au sens large) à condition de rester conseil. Pour plagier une formule célèbre, on pourrait prétendre que, dans le respect des limites, le conseil qui aide l'autre à faire un petit pas lui permet parfois d'accomplir un bond en avant. Le conseil dit "thérapeutique" se définirait ni par sa finalité, ni par ses méthodes, mais par des retombées parfois totalement inattendues.
Pour le mot de la fin, je retiens que, dans l'expression conseil en orientation
, le terme orientation permet au conseiller de se démarquer du psychothérapeute et celui de conseil le distingue de l'orienteur. ■