Nous vivons un moment important d'une séquence politique où de nombreuses incertitudes persistent sur la manière dont les conseils régionaux règleront la question de l'information sur les formations et les métiers, qui relève désormais de leur compétence, et celle, qui lui est indissociablement liée, du conseil aux personnes scolarisées et non scolarisées, jeunes et adultes.

Le texte d'Annick Soubaï, directrice de CIO, illustre bien l'apport irremplaçable des CIO de France pour penser globalement une question aussi difficile que celle de l'orientation tout au long de la vie, information et conseil réunis, et non dissociés. Et, pour commencer, prioritairement dans les premiers âges de la vie.

Faut-il rappeler en effet au ministère de l'éducation nationale que, selon ses propres statistiques, 92% des jeunes Françaises et Français de 17 ans sont scolarisés, 78% des jeunes de 18 ans et encore 65% à 19 ans ?

Est-ce bien le moment de brader le service public d'orientation de l'éducation nationale (CIO, ONISEP) aux régions alors que les premières expériences vécues d'orientation le sont très majoritairement à la fin du collège, au lycée et à l'université, ce qui était loin d'être le cas dans l'immédiat après-1968, au moment où le général de Gaulle et ses successeurs renforcèrent le service public d'orientation (création de l'ONISEP en 1970, des CIO en 1971, des procédures d'orientation en 1973) afin de faire face à l'explosion scolaire et universitaire (5% de bacheliers dans une génération en 1950, 20% en 1970, 25% en 1980, 30% en 1985, 62% en 1993, 79% en 2017).

L'explosion scolaire annoncée fort justement par Louis Cros en 1961 a bel et bien eu lieu et c'est au moment où jamais, antérieurement, autant de jeunes Françaises et Français se trouvent confrontés à la question de l'orientation de soi (cf. Se faire soi, Guichard, 2004) qu'on supprimerait les CIO... dont la compétence reconnue porte justement d'abord sur l'orientation de la jeunesse scolarisée ? Cherchez l'erreur !

À qui profite le crime ? Cette absence actuelle de toute vision du service public d'orientation fait évidemment le jeu du coaching privé (coaching en orientation, mais aussi en développement personnel, life-coaching, etc.) et des boîtes commerciales de tout poil (Studyrama, L'étudiant, Acadomia, etc.) qui fleurissent, prolifèrent et pullulent en surfant sur le porte-monnaie, la crédulité et l'angoisse des bonnes gens mais surtout du fait de l'étranglement sciemment organisé d'un service public abandonné, délaissé, réduit comme peau de chagrin.

Adieu le service public gratuit, laïc, compétent ! Vive le compte en banque, le chèque emploi-service et la niche fiscale ! Finalement, en faisant appel à un coach privé, je ne paierai en réalité que 50% des 300 ou 400 euros annoncés pour l'entretien ou le bilan d'orientation... Et je n'ai qu'un fils en terminale S, qui le vaut bien !

Ce mot a été amodié le 4 novembre 2019