Tout, ou presque, sur le risque
Par Jacques Vauloup le mardi 26 novembre 2019, 05:14 - Ex libris - Lien permanent
Dirigé par Yves Dupont, professeur de socio-anthropologie à l'université de Caen, le Dictionnaire des risques aborde tous les risques, y compris les plus impensés : nucléaires, génétiques, nanotechnologies, climat, risques sanitaires ou psychosociaux, etc.
Nos sociétés ont trop joué avec le risque : il les a rattrapées. Par-delà l'effroi et les ajournements bureaucratiques, il est temps d'interroger l'avenir que nous nous sommes préparé.
17 thèmes transversaux
L'âge atomique/Le clonage/Société de consommation et risque environnemental/L'eau entre pénurie et pollution/Vers des sociétés épidémiques ?/Guerre et risque de guerre/Qu'en est-il de l'humanité de l'homme ?/Maladies au travail et maladies professionnelles/Les mouvements sociaux, etc.
Dans Phénomène-clé des sociétés contemporaines, la désymbolisation (pp. 108-120), Camille Tarot pointe la désymbolisation inhérente à nos sociétés, comme le fait de désinvestir de leur dimension symbolique des objets, des événements, des discours. Cette désymbolisation est à l'oeuvre dans le rapport à l'objet, au corps ou à la mort, mais aussi dans le rapport à autrui, les mutations du lien social (crise de la filiation et de la transmission) et dans l'éducation. Une nouvelle économie subjective
, propre à des sujets sans limite
ou sans gravité
(Melman, 1997, 2005), est ainsi apparue.
Les discours de désymbolisation sont des discours de la crise, qui disent le sentiment que les choses se défont, que les pratiques et les rites se désarticulent, que les valeurs millénaires deviennent obsolètes
. Il en appelle ensuite à un travail public indispensable de resymbolisation, car actuellement, l'individu est laissé seul face à la mort, au corps, au monde.
120 entrées
Accélération/Acceptabilité sociale des risques/Addiction/Adolescence (crise de l')/Aliénation/Années potentielles de vie perdue/Anomie/Automobilisme/Biodiversité (Menaces pour la), par Jean-Marie Pelt/Déchets nucléaires/Délinquance juvénile/Déni de réalité/Dépression/Déracinement/Empreinte écologique/Eugénisme//Générations futures/Heuristique de la peur/Hubris/Incertitude/Insécurité et sentiment d'insécurité/Marchandisation/Obsolescence de l'homme (Anders, 1956, 1980)/Principe de précaution/Risque alimentaire/Suicide/Vulnérabilité, etc. Jean-Marie Pelt, page 46 : Si fiers mais aussi si dépendants de nos grandes conquêtes technologiques, nous ne nous souvenons plus exactement de ce que nous devons à la nature dont nous sommes pourtant immédiatement tributaires
.
Dans sa conclusion, Yves Dupont appelle à une socio-anthropologie du risque et de la vulnérabilité (p. 357). C'est reconnaître l'urgence qu'il y a dorénavant à devoir penser l'homme et la société non plus en fonction de ce qui pourra être fait, en aval de l'ici et maintenant, mais en fonction d'une destruction possible et définitive de l'humanité en amont de cette échéance
(p. 361). Dès 1986, de façon prémonitoire, Ulrich Beck, dans sa préface à La société du risque, constatait en ces termes la désagrégation de la société industrielle qui a vu son acmé aux 19è et 20è siècles : La société industrielle se déstabilise dans le moment même où elle s'impose. La continuité devient la "cause" de la rupture. Les hommes sont libérés des certitudes et des modes d'existence de l'époque industrielle (...). Les bouleversements qui en résultent constituent l'autre face de la société du risque. Le système de coordonnées dans lequel s'inscrivaient la vie et la pensée à l'ère de la modernité industrielle (les axes de la famille et de la profession, de la foi dans la science et le progrès) se met à vaciller, et on voit apparaître une structure nouvelle faite d'opportunités et de risques ; ce sont là les contours de la société du risque. Peut-on parler d'opportunités ?
Nous y sommes. Que reste-t-il donc aux humains d'aujourd'hui hors le regard et l'action éthiques et le Principe responsabilité énoncé par Hans Jonas (1979) : Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre ?
Pour aller plus loin encore
Hommage à l'auteure de l'ouvrage : Dufourmantelle A. (2011, Eloge du risque, Payot et rivages. Psychanalyste, philosophe, mère de trois enfants, auteure de ce magnifique ouvrage de vie, Anne Dufourmantelle (1964-2017) est morte d'un arrêt cardiaque en tentant de sauver de la noyade, en Méditerranée, l'enfant d'une amie. Dans cet ouvrage lumineux, elle démontre que risquer sa vie, c'est tout simplement prendre le risque de vivre vraiment.