Dans son édito, page 1, elle poursuit : Dire bonjour et sourire, ces gestes qui signent que l'autre est bienvenu dans un lieu où l'on se trouve déjà, ce n'est pas rien. Donner les informations qui comptent au bon moment, expliciter ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, être suffisamment assuré de sa place pour ne pas voir en l'autre un rivale ou un ennemi, ce n'est pas rien. (…). Et puis, il y a ces lieux dédiés à l'accueil, comme l'unité pédagogique pour élève allophone arrivant (UPE2A). (…) Merci à vous, élèves venus de tous pays, pour la poésie de vos langues et ce qu'elles apportent ou devraient apporter à nos classes. Merci pour vos émerveillements qui nous réveillent, vos questions qui nous bousculent, vos malaises qui interrogent nos pratiques dans leurs fondements mêmes, vos désirs d'apprendre qui donnent du sens à notre travail. Merci pour ce que vous êtes et que nous avons du mal à voir collectivement : des enfants et des adolescents comme les autres.

La revue apporte de nombreux témoignages de professeurs des écoles et du second degré qui disent les trésors d'inventivité, de générosité et d'intelligence dont font montre les enseignants français dans leur activité quotidienne. Si on leur fait confiance, ils savent relever les défis auxquels ils sont confrontés : faire de la différence de l'autre une richesse pour le groupe-classe, prendre appui sur le multilinguisme des arrivants, donner place aux cultures du monde dans leur diversité, introduire chaque jeune dans un parcours d'apprentissage de connaissances et de compétences. Encore faut-il que ces jeunes et leurs familles soient sécurisés dans leur parcours sur le sol français et que l'Etat ne les pourchasse pas sans cesse dans sa furie de contrôle administratif dont il est coutumier actuellement.

Sommaire abrégé : Les élèves migrants changent l’école

Avant-propos par Jean-Pierre Fournier et Françoise Lorcerie

AU SEUIL DE L’ÉCOLE

UNE SCOLARISATION SUR MESURE : LES UPE2A

LES VOIES INCERTAINES DE L’INCLUSION

LE FERMENT DE L’ÉCOLE DE DEMAIN ?

Dans sa belle postface intitulée Grandir dans un labyrinthe, l'anthropologue Michel Agier : Si je me décentre et retourne mon regard sur lui-même, je vous vois, je nous vois à partir de l'étranger qui arrive, outsider et surtout stranger pour qui les gens sont étranges quand on est étranger. (…) Lorsqu'il arrive dans la nouvelle situation, il découvre non pas un pays d'accueil mais une succession de problèmes à résoudre ; il comprend que la manière de penser et d'agir qui lui semblait évidente et naturelle devient soudain anormale ou inhabituelle ou étrange, il doit donc réapprendre d'autres manières et de s'orienter dans un nouveau modèle culturel (langue, moeurs, lois, folklore, modes, etc.). C'est cette épreuve du labyrinthe qui va lui donner "une intelligence du monde singulière et hybride. Celle-ci vient de la position du tiers-instruit vivant sur la frontière dans un entredeux, mais à condition qu'il en sorte vivant, et grandi. (…) Pourquoi dire qu'il faut parler français d'abord pour réussir, sans reconnaître que l'enfant ou jeune migrant maîtrise déjà une autre langue ? Lui dire "arrive comme tu es, avec ta langue, fais-la entendre", et ainsi, comme des maîtres ignorants, instaurer l'apprentissage réciproque. C'est ainsi que des enseignants apprennent la langue d'où viennent les enfants, et acceptent de parler mal avec accent, à ces enfants, pour les amener à prêter attention et à entrer dans la langue du pays d'accueil (p. 55-56).