On sait vite qu'il s'agit d'une histoire intime, mais laquelle ? Pourquoi donc Olivier (Olivier Gourmet) est-il attiré par Francis (Morgan Marinne) au point de le prendre dans son atelier alors que l'on sent tout de suite qu'il y a un problème ? Qu'a-t-il vu ? Qu'a-t-il reconnu ? Pourquoi suit-il Francis dans la rue ? Pourquoi va-t-il visiter son appartement à son insu en lui ayant emprunté ses clés dans son vestiaire du centre de formation professionnelle ? Pourquoi ce regard constamment inquisiteur ? Que cherche-t-il ? Mais aussi : pourquoi Olivier est-il si désensibilisé, si alexithymique, si incapable d'exprimer ses émotions ? Et pourquoi, à un moment donné, va-t-il retrouver un peu d'affects, de sensibilité, de fragilité ?

Et puis, au bout de 90', nous approchons de la fin du film, Olivier, dans un souffle : Pourquoi est-ce que tu as tué ? Francis : long silence. Olivier : J'ai le droit de savoir parce sur je suis ton tuteur. Francis : Une radio dans une voiture... Et j'ai tué sans le vouloir un jeune qui avait voulu s'interposer... Cinq ans de centre de redressement... Je crois que j'ai payé, non ?

Le garçon que tu as tué, c'était le mien...

Ravagé de l'intérieur, le vengeur se vengera-t-il, prendra-t-il vengement (français médiéval) ?

C'était donc ça ! Tous ces évitements, ces silences abstrus, et cette caméra constamment en mouvement filmant la nuque et le dos souffrant d'Olivier, mais jamais plaignant... Sans aucun pathos. Seulement de l'empathie pour les personnages. Film opaque et mystérieux. Olivier Gourmet : On suit un animal blessé... Jamais on ne prend le spectateur par la main pour lui imposer une émotion, une vérité, un jugement... Cet homme blessé, habité par une pulsion de vengeance, va-t-il passer à l'acte ?

Au fond, il faut sans doute que les ennemis se soient vraiment rencontrés avant que la tension ne se dissolve. Et in libertate aliquem vindicare (lat.) ne signifie-t-il pas ramener quelqu'un à l'état de liberté, rendre à quelqu'un la liberté ? (Cic., Rép.) (le latin vindicare a donné venger). Dès lors, chacun peut repartir affronter sa propre vie. Un grand cinéma métaphysique d'auteurs sur la vengeance, le pardon et la rédemption. Mais aussi sur le lien parents-enfants et sur la relation éducative. Chez les Dardenne, la métaphysique passe par le physique.