Le vélo est un sentiment
Par Jacques Vauloup le dimanche 7 mars 2021, 02:55 - Vélorution - Lien permanent
Dans En roue libre, une anthropologie sentimentale du vélo, David Le Breton, ami de la marche, s'avère aussi un vélophile invétéré. Dans son interview à La Montagne le 18 février, il précise que le cycliste est l'artiste de la ville ; rien n’empêche jamais un cycliste de passer, il arrive toujours à l’heure, il n’est barré par aucun obstacle, ne cherche pas de places de parkings
. Bref, quand on fait l’expérience du vélo, on découvre combien il est fluide et sûr
. La petite reine est affaire de coeur.
David Le Breton poursuit : Quand on prend son vélo, on est immergé dans son histoire personnelle, on se souvient de son apprentissage, de son premier vélo… On est dans un rapport plus réflexif avec son vélo qu’avec sa voiture ou sa trottinette électrique. Il y a toujours une attention très affective portée à l’objet. À vélo, il y a une célébration de tous les sens. Vous voyez le monde tout entier, vous respirez les tilleuls, vous êtes actifs et dans une conscience du présent. Le confinement nous a ramenés au désir de nous réapproprier sensoriellement, physiquement, un monde qui nous avait manqué.
Se réapproprier sensoriellement le monde
Le confinement et les contraintes de déplacements nous ont en effet amenés à revisiter nos valeurs. Lors du premier confinement, au printemps 2020, on a redécouvert le silence. Il y a eu une revanche de cette saveur du monde qui nous est mesurée à cause de la circulation automobile. Tout cela nous a ramenés au vélo et à ce désir de nous réapproprier sensoriellement, physiquement, un monde qui nous avait manqué. En retrouvant le vélo, on a aussi retrouvé notre enfance, ce qui participe d’une dimension sentimentale très forte.
Éloge de la flânerie
Le vélo c’est le jeu de vivre, c’est redevenir artisan de soi et de son rapport au monde alors que la voiture instruit au contraire la passivité et l’aseptisation des sens. Le vélo fait l’éloge de la flânerie, de la lenteur et de l’attention au monde et à soi. Comme la marche, c’est une manière de prendre son temps et ne plus laisser le temps nous prendre. Le vélo est une flânerie que le monde ultralibéral récuse. Le vélo fait au contraire l’éloge de cette flânerie, de la lenteur et de l’attention au monde et à soi.
Pour flâner mieux et plus loin
Le Breton D. (2020), En roue libre, une anthropologie sentimentale du vélo, éditions Terre urbaine
Commentaires
Ce bel hommage à la roue libre, à l'effort mesuré, invitation à l'envol des idées encore plus que celui des corps, aurait-il jeté un voile épais sur "InserJeunes", dernier nudge à la mode, que le journal L'Humanité expose dans ses colonnes d'aujourd'hui 9 mars ? Ce site (www.inserjeunes.gouv.fr) d'informations parfaitement orientées et biaisées veut pousser les jeunes à délaisser le Lycée professionnel - lequel ne devrait s'appeler que Lycée tout court - pour s'engager sur la voie de l'apprentissage patronal. Il est surtout déloyal en mettant en avant des chiffres (taux de poursuites d'études, taux de réussite à l'examen, taux d'insertion dans l'entreprise) non vérifiables en général. Je pourrai y revenir.
JPL
Je ne sais pas si le site gouvernemental «Inserjeunes» constitue une engeance gouvernementale «orientée et biaisée» favorisant «l'apprentissage patronal» au détriment du lycée professionnel. D'après ce que l'on en sait, il est construit à partir des bases de données de l'ONISEP qui, bien qu'office gouvernemental, a toujours, depuis sa création en 1970 et quels que soient les gouvernements, honoré avec rigueur dans ses publications le principe d'information vérifiée au détriment de l'information biaisée. Il est vrai toutefois que, sur les statistiques d'insertion dans l'emploi, la tâche est ardue. Choisir des stats 6 mois après la sortie de formation est en effet notoirement insuffisant tant l'insertion des jeunes est, à ce moment-là, peu stabilisée. Choisir en outre de publier des stats d'insertion nationales est peu parlant et peu utile tant les parcours de vie des jeunes concernés sont en général concentrés dans ce cas sur un bassin d'emploi, un département, une région, une agglomération (stats régionales absentes sur inserjeunes). Ce qui me questionne le plus quant à ce site institutionnel, c'est de sembler opposer l'apprentissage dit «patronal» à la «nouvelle voie professionnelle scolaire», omettant ainsi que le lycée professionnel offre aussi, depuis plusieurs décennies, un «apprentissage patronal» dans ses murs. Avec succès d'ailleurs. Signalons aussi, depuis 1970, l'importance trop méconnue des enquêtes longitudinales du CEREQ à ce sujet.