Dans l'article publié le 31 octobre 2019 par Libération, Filippo Grandi, qui dirige l’instance le Haut commissariat des nations pour les réfugiés, instance de l'Union européenne, dénonce les discours alarmistes tenus en Europe vis-à-vis des arrivées de migrants, et plaide pour une coopération approfondie.

Pour lui, chiffres à l'appui, la crise des réfugiés qui alimente les discours populistes européens les plus alarmistes affecte davantage les pays pauvres et voisins des lieux d’origine des réfugiés, comme le Liban (où une personne sur quatre est réfugiée), l’Ouganda, le Bangladesh, ou encore le Venezuela, où 5 millions de personnes pourraient avoir quitté le pays d’ici la fin de l’année. L’Europe a pour sa part connu une crise en 2015, mais ce n’est plus le cas maintenant. Elle a dû accueillir seulement 78 000 personnes qui ont traversé la Méditerranée depuis le début de l’année 2019 afin de rejoindre un continent qui compte 500 millions d’habitants. Ces flux sont largement gérables par un continent européen riche. Mas le veut-elle ? Filippo Grandi : Les pays riches ont le devoir d'accepter des demandes d'asile.

Dans une note fort documentée intitulée Questions de migration, publiée par la Fondation Jean-Jaurès le 7 novembre, le démographe et historien Hervé Le Bras rappelle que la population mondiale (et donc française) a toujours procédé d'un métissage. Au cours de l'histoire de France, des Romains se sont mêlés à ds Gaulois, des Francs à des Celtes, des Alamans, Bourguignons, Bretons (qui venaient d'Irlande) aux habitants locaux, quelques Vikings à des Normands, des Berbères à des Provençaux et à des Gascons, etc. Il indique, preuves à l'appui, qu'en 2017, l'apport global de la migration en France était de 58 000 personnes, soit moins d'un millième de la population. On est très loin des mythes du grand remplacement ou de l'invasion africaine ou de la ruée vers l'Europe ! La conclusion de l'article d'Hervé Le Bras est édifiante (extraits) :

En conclusion, (…) la migration est le domaine de prédilection de la généralisation abusive : qu’un crime soit commis par un migrant et tous les migrants deviennent des criminels en puissance ; que quelques Africains arrivent dans un centre d’accueil d’une petite ville et l’on parle dans les environs d’une submersion par les Noirs sous prétexte qu’on en a croisé quelques-uns ; que des logements sociaux soient attribués à des demandeurs d’asile dans des villes où les logements vacants sont nombreux et l’on parle de passe-droits lésant les demandeurs français, comme si ces logements se trouvaient au centre de Paris ou de Lyon. Lorsqu’on démonte ces exagérations, voire ces mensonges, on attire l’attention sur ces questions et le doute ou le rejet de l’étranger se reporte sur une autre situation. Mais lorsqu’on souligne que les métiers les plus dangereux, les plus astreignants, les moins attractifs, ceux dont on dit que les Français n’en veulent pas, lorsqu’on regarde qui travaille sur les chantiers, qui est dans les cuisines des restaurants, qui fait le ménage tôt le matin ou tard le soir dans les administrations et les entreprises, quel est le médecin à l’hôpital et les infirmiers ou infirmières, personne ne fait attention ou se presse de l’oublier. Pour venir à bout des anachronismes, de l’obsession du présent, des généralisations indues, les sociologues, les démographes, les historiens, les politologues et autres chercheurs ne sont pas écoutés et peuvent difficilement l’être car accusés de vivre dans l’abstraction, dans les chiffres et non dans la prétendue vie réelle. Les seuls qui peuvent avoir prise sur l’opinion, car c’est aussi leur métier, sont les politiques, mais peu prennent le risque d’aller à l’encontre de l’opinion.

Ce billet a été modifié le 7 janvier 2020

Pour aller plus loin

Le Bras H. (2019), Questions de migrations, Fondation Jean-Jaurès, note publiée le 7 novembre 2019, 21 p.

Wihtol de Wenden C. (dir.), Un monde de migrants, Documentation photographique, n°8129, 2019