Triplettes à Belleville
Par Jacques Vauloup le mercredi 5 août 2020, 06:01 - Cinépassion - Lien permanent
Autre vélo, autre Tour. Dans son grand film d'animation sorti en 2003, Sylvain Chomet ne met pas le spectateur à l'aise dans cette histoire où une fausse voiture-balai du Tour de France pilotée par des sbires à la solde d'une mafia installée outre-Atlantique va
récupérer
sur la route les forçats épuisés dans le Ventoux pour les recycler
dans un commerce véreux de paris sur des êtres humains.
Madame Souza, déjà âgée, élève seule son petit-fils Champion depuis qu'il est orphelin. Elle essaie de briser son apathie en lui suggérant le piano ou la compagnie d'un chien, Bruno. Rien n'y fait, Champion n'est passionné que par la compagnie des champions de la route (Bobet, Robic, Koblet, Poulidor...) dont il découpe les photos dans le journal de sa grand-mère avant de les coller soigneusement dans un cahier qu'il cache sous son lit.
Quelques années plus tard, Champion n'a de cesse que de s'entraîner dur, sa grand-mère devenant son coach. Il participe au Tour de France, mais pendant la course, lui et deux autres coureurs à la traîne sont enlevés par deux sbires de la mafia planqués dans une fausse voiture-balai et conduits, prisonniers, outre-Atlantique, dans la métropole animée de Belleville (qui ressemble furieusement à New-York...).
Lancés dans des aventures abracadabrantesques, Madame Souza et son chien Bruno n'auront de cesse, suite à une rencontre avec les célèbres triplettes de Belleville
, chanteuses de music-hall des années 1930, aujourd’hui femmes âgées, que de retrouver vivant Champion et de le ramener au bercail. Ils le retrouvent dans un sordide théâtre qui exploite jusqu'à la mort les cyclistes kidnappés comme chevaux de trait dans une machine à vélo qui permet de visualiser une course simulée du Tour de France et d'en faire des paris juteux.
L'animation est belle, grandiose, digne d'un véritable cinéma d'auteur et non comparable aux oeuvres du ciné-business des industriels du dessin animé. L'imagerie du Tour de France est retranscrite avec beaucoup de vérité et de puissance d'évocation. Les personnages féminins sont délicats, humains et touchants. Les personnages masculins nous inquiètent plus tant ils révèlent des quasi robots, soit anges du mal, soit esclaves du pédalier. La bande musicale concoctée par Benoît Charest est hors pair : Django Reinhardt est à l'honneur, magnifié par les guitares et les voix de Benoît Charest, M et Thomas Dutronc. Un cinéma populaire, créatif et ambitieux qu'on aimerait encore rendu possible en temps de Covid et de Netflix.