Les mines ont fermé, les terrils replantés servent de pistes de luge l'hiver et sont visités comme des lieux de culte ; les anciens mineurs se languissent sous oxygène en attendant la mort ; les jeunes ont fui ou se terrent ; les politiques nationaux vantent la mutation régionale de la mine au tourisme et soignent d'abord leur image de marque ; le taux de chômage des habitants frôle les 40% comme le vote Rassemblement national ; les services médico-sociaux se désespèrent face aux conséquences de la misère profonde sur la santé. Et les instits de l'école publique se battent chaque jour pour accueillir, ne rien lâcher sur les apprentissages premiers. Ils n'oublient jamais leur mission sociale.

Capitaine courageux

La durée d'un récit est comme la durée d'un rêve. On ne décide ni du moment où l'on s'endort, ni de celui où on s'éveille. Et pourtant on avance, on passe, on voudrait faire un geste, toucher un personnage, avoir des attentions pour lui, lui prendre la main, par exemple. Et on est là, on ne fait rien, toute la vie aura passé, on n'aura rien fait. (Voix off de M. Lefebvre en début de film)

Il a tout appris, le formidable Philippe Torreton (M. Lefebvre, directeur de l'école) : Il était un petit homme, pirouette cacahouète... Une souris verte... Je fais le tour de ma maison... Quoi qu'a dit ? A dit rin... Parler avec des petits de 3 ans assis sur une chaise d'enfant, accueillir des parents démunis, organiser l'école, gérer un conseil de maîtres, intervenir auprès du Maire pour surseoir à l'expulsion d'une famille ou demander davantage de moyens matériels pour l'école, travailler de près avec la Protection maternelle et les services sociaux, danser avec les petits sur l'estrade le jour de la fête de l'école... Et même communiquer avec l'inspecteur de la circonscription, petit hobereau républicain dans son territoire ! (Portrait peu amène et pourtant très crédible de l'inspecteur).

Misère... Misère... Au collègue désabusé qui lui dit que ce n'est pas leur rôle de s'occuper du social et qu'il y a des services pour ça, M. Lefebvre rétorque que la misère n'attend pas le service social pour pénétrer dans son école.

Parfois, le découragement

Coup de blues individuel et collectif quand une mère met fin à ses jours et à la vie de ses deux enfants ; à l'école, face à tant de misère, on avait cent fois tenté, avec les services sociaux, de lui mettre la tête hors de l'eau. En vain...

Sa collègue fatiguée, désabusée, en dernière année de travail avant la retraite : Il y a 20 ans, j'avais 45 élèves, on ne se plaignait pas. Aujourd'hui, j'en ai 30 et je ne m'en sors pas. Les enfants vivent des situations désespérées. Et surtout, on dirait qu'ils n'ont que moi à qui parler. L'espoir ? Juste leur donner de l'affection. Les mères n'en peuvent plus... C'est de la survie !

Un jour, au retour d'un week-end, le directeur et ses collègues constatent que l'école a été saccagée, vandalisée. Découragement. Colère. Abattement.

J'aime pas les portes, les portes qu'on ouvre, qu'on referme. C'est toujours le même vide, un vide parfois rempli de cris, parfois rempli d'absences, un vide qui claque, brise les trajectoires. Qu'est-ce qui nous retient ici ? L'amour ? L'enfance ? (Voix off de M. Lefebvre)

Garder l'espoir

Grâce à un beau mouvement collectif où chacun joue son rôle au mieux qu'il peut, institutrices, agents de service, employés municipaux, parents d'élèves, élèves, municipalité, l'école reprend ses couleurs et son cours. Se battre contre vents et marées pour que les parents amènent leurs enfants à l'école chaque jour.

Grâce à la création artistique aussi, les enfants et les instits retrouvent de l'espoir : embellissement de la cour de récréation si grise par une installation de bouteilles de couleurs, fête de l'école, chants collectifs, harmonie municipale. Comme une art-thérapie en somme.

Il y a des choses qu'on ne rasera jamais ici. C'est dans la terre, dans la chair... Ça parle... C'est dans la terre, des tas de cailloux, mais qu'on a mis un par un par les mains de nos pères, de nos grands-pères. Toute leur patience accumulée à résister, au plus profond, en faisant des petits pas, des petits tas dans la nuit, pour que la lumière de la nuit s'accroche, pour être debout, pour s'inventer des montagnes et jouer à la luge. Quand on aura atteint le lune, on leur dira à nos enfants que c'était dur, mais qu'ils étaient des seigneurs, nos pères, et qu'on a hérité ça d'eux. Des tas de cailloux, et le courage pour les soulever, qui va avec (Voix off de M. Lefebvre). Quelque chose a-t-il vraiment changé depuis 20 ans ?